COMMENTAIRE DE L’ARRET COMMUNE DE MOYVILLIERS DU 03 MAI 2018




      
           Abel KLUSSEY, Juriste
         Président du CAJS -TOGO

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                  COMMENTAIRE DE L’ARRET COMMUNE DE MOYVILLIERS DU 03 MAI 2018


                                                            
                                                               INTRODUCTION

Le principe de l’effet relatif des contrats tant valable en droit civil (art. 1199 du Code civil ) qu’en droit international public (art. 34 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969) courbe  désormais profondément l’échine en droit administratif comme en témoigne le fait qu’il est loisible au  tiers, entendu comme toute personne qui n’est pas cocontractante mais  intéressée par le contrat, de saisir le juge du contrat administratif. L’arrêt Commune de Moyvillers, rendu le 03 mai 2018 par la Cour Administrative de Douai, vient marquer une évolution certaine quant aux voies de recours des tiers contre un contrat administratif . Se trouve à l’origine de cette décision, une délibération en date du 27 janvier 2015 par laquelle la Commune de Moyvillers a approuvé la conclusion d’un avenant prolongeant la durée du traité d’affermage pour l’exploitation du réseau de distribution d’eau potable (de la commune) avec la société SAUR et autorisée, par la même occasion, le maire à signé cet avenant. Mme E…B…, demanderesse, en sa qualité de tierce personne au contrat liant la Commune à la Société SAUR, a saisi dans un premier temps le tribunal administratif d’Amiens par un recours pour excès de pouvoir au fins d’annulation de l’avenant signé le 27 janvier 2015. Déboutée par une ordonnance du 2 juin 2015, elle est devenue, dans un second temps, l’appelante devant la Cour Administrative d’Appel de Douai et demande d’abord l’annulation de l’ordonnance précitée, ensuite l’annulation par excès de pouvoir cette délibération et l’avenant sus évoqué et enfin, la mise à la charge de la Commune le versement de 800 euros conformément au code de justice administratif.
La Cour administratif d’appel de Douai, avant de statuer sur la validité de l’avenant contesté, devrait à juste titre préalablement répondre à la question de savoir si un tiers peut contester par voie de recours pour excès de pouvoir la légalité d’une délibération (acte détachable du contrat) ayant autorisé la signature d’un avenant.
Tout en rappelant dans un premier temps le considérant majeur de l’arrêt du 4 avril 2014, Département de Tarn et Garonne, dans laquelle l’assemblée du Conseil d’État autorise tout tiers à un contrat administratif s’estimant lésé dans ses intérêts d’en contester également la validité par un recours en plein contentieux, le juge de l’excès de pouvoir a martelé, dans un second temps, que cette décision précitée s’applique « quelle que soit la qualité dont se prévaut le tiers » avant de conclure que « les conclusion de Mme B… tendant à l’annulation de la délibération du 27 janvier 2015 sont irrecevables ».
Cet arrêt, bien fidèle à la décision du Département Tarn-et-Garonne du 4 avril 2014, laisse percevoir la jurisprudence Martin terrassée (I) par la tendance unificatrice du contentieux des contrats administratifs (II).


I-  Obsolescence du recours pour excès de pouvoir contre l’acte détachable


Bien que l’ « édifice Martin » achevé depuis le début du 20ème siècle (4 août 1905) mais fragilisé par l’imbroglio relatif à l’annulation des actes préalables au contrats, a commencé par menacer ruine au début du 21ème siècle sous l’effet de la décision Sté Tropic Travaux signalisation (A), le coup de grâce à lui porté par la jurisprudence Tarn-et-Garonne est conforté par la décision commune de Moyvilliers (B).

 A- Les signes annonciateurs de la fragilité du REP contre les actes détachables du contratadmis par l’arrêt Martin

 L’imbroglio que provoque l’annulation des actes préalables au contrat (1) puis la survenance de l’ouverture du plein contentieux au tiers évincés (2) constituent sans nul doute les signes annonciateurs majeurs de la fragilité de l’arrêt Martin.

11- L’imbroglio provoqué par l’annulation via le REP des actes détachables du contrat administratif

Est considéré comme acte détachable au contrat, tout acte antérieur à la conclusion définitive du contrat, y compris l’acte par lequel l’autorité administrative décide ou refuse de passer ou d’approuver le contrat (CE, Ass. 30 mars 1973, Ministre de l’aménagement du territoire c. Schwetzoff). Ayant parfois un caractère non formelle (CE, Sect. 9 nov. 1934, Chambre de commerce de Tamatave), les actes détachables sont une des catégories d’actes juridiques dont les conséquences découlant de leur annulation sont incertaines. En effet, la portée de l’annulation est déterminée en considération des chefs d’annulation. Aussi, l’annulation n’est-elle prononcée qu’en raison de l’illégalité dont est affecté l’acte détachable. L’analyse révèle que seule la légalité « objective »  peut être censurée dans le cadre d’un REP alors que l’illégalité peut être provoquée par un vice propre à l’acte détachable (le cas de la décision Martin précitée) ou au contrat lui-même lorsqu’il contient des clauses méconnaissant une règle de droit (l’exemple de la décision Confédération des syndicats médicaux français rendue par le CE, réuni en Assemblée le 2 déc. 1983).
Dans les deux cas sus évoqués, seul l’acte détachable est annulé et n’implique nullement point l’annulation automatique du contrat. Voilà pourquoi pendant longtemps, cette annulation a été purement « platonique » (lire les conclusions de Romieu dans l’affaire Martin) puisque n’entraînant pas de conséquences sur le contrat, protégé par l’absence de recours des tiers contre lui et par les droits subjectifs qu’il donne aux parties (l’effet relatif des contrat).
Même s’il existait des voies tortueuses pour que les tiers puissent remettre en cause un contrat par un REP (Commune de Béziers du 28 décembre 2009), il est de principe que l’annulation de l’acte détachable « n’implique pas nécessairement la nullité dudit actes » (CE, 10 déc. 2003, Institut du recherche pour le développement). C’est ce qui expliquerait l’accueil chaleureux réservé par les tiers à la décision Société Tropic travaux signalisation.

22-  L’ouverture du plein contentieux aux tiers évincés

L’ouverture du plein contentieux aux tiers évincés a parue par l’arrêt Tropic du 16 juillet 2007. Dans les faits, la Société Tropic Travaux Signalisation  s’est portée candidate à l’attribution d’un marché dont la procédure avait été lancé par la Chambre de commerce et d’industrie de Pointe-à-Pitre pour le marquage des aires d’avions et chaussées routières de l’aéroport de Point-à-Pitre le Raizet. Son offre ayant été rejeté puis le marché attribué à une autre entreprise (la Société Rugoway), la Société Tropic a alors saisi en référé le tribunal administratif de Basse-Terre d’une demande de suspension, sur le fondement de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative, portant à la fois sur le rejet de son offre, la décision de signer le marché et le marché lui-même. Après le rejet de sa demande, la Société Trop s’est pourvue en cassation donnant ainsi lieu à la décision Tropic du 16 juillet 2007 dans laquelle le Conseil d’État réuni en assemblée  a ouvert « un nouveau recours contre les contrats administratifs ». Le Conseil d’État ouvre un recours de plein contentieux (RPC) au candidat évincé alors que la logique de l’évolution aurait été d’ouvrir au candidat évincé un recours en  excès de pouvoir (REP). Sérieusement lézardée, il a fallu attendre une dizaine d’année supplémentaire pour assister à la confirmation de l’écroulement de l’arrêt Martin survenu le 4 avril 2014 par la décision Tarn-et-Garonne.

 


B- Le refus quasi-absolu de la contestation des actes détachables par voie de REP


Si les tiers ne peuvent plus en principe contester par voie de recours pour excès de pouvoir les actes détachables (1), il demeure cependant des exceptions (2).

 

  1-  La soustraction de principe des actes détachables du contrat administratif aux recours pour excès de pouvoir


  Jadis, grâce à la très connue arrêt Martin rendu par le Conseil d’État le 4 août 1905, les actes détachables sont contestables par voie de recours pour excès de pouvoir. Des éléments factuels de cet arrêt, nous retiendrons que le sieur Martin, conseiller général dans le Loire-et-Cher, avait formé un pourvoi contre plusieurs délibérations prises par le conseil général de ce département au sujet de concessions de tramways. Il se plaignait des conditions dans lesquelles le conseil général avait été appelé à délibérer et de la procédure suivie par le préfet, qui, en ne distribuant pas huit jours à l’avance aux membres de cette assemblée un rapport imprimé sur la question, les aurait empêchés d’exercer leur mandat en connaissance de cause, avec les garanties prescrites par la loi du 10 août 1871 sur l’organisation départementale.
L’administration avait soutenu que les délibérations attaquées, ayant abouti à la conclusion d’un contrat, ne pouvait faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir et ne pouvaient être déférées qu’au juge des contrats. Le Conseil d’État n’a pas accepté cette thèse et a admis au contraire, bien qu’implicitement, la recevabilité du recours pour excès de pouvoir.
La fermeture, par la décision Tarn-et-Garonne, de cette voie ouverte depuis 1905 vient d'être confirmée par la Cour Administrative d’Appel à travers l’arrêt Commune de Moyvilliers. En vérité, en affirmant dans le Considérant n° 3 dudit arrêt que la légalité de la délibération objet du litige « ne peut être contestée qu’à l’occasion d’un recours de pleine juridiction en contestation de la validité de l’avenant lui – même », le juge de l’excès de pouvoir ne pouvait que déclarer irrecevable le REP à lui adresser et par ricochet confirmer le bouchage de la voie ouverte par l’arrêt Martin.
La voie du plein contentieux ouverte aux tiers quelle qu’en soit leur qualité (CE, Ass. 4 avril 2014, Tarn-et-Garonne) emporte, au nom de la règle de « l’exception de recours parallèle » celle jadis ouverte par la décision Martin de 1905. Néanmoins, cette voie n’est pas totalement obstruée car demeure l’exception du contrôle de l’égalité. 

22-  L’exception du contrôle de légalité exercé par le représentant de l’État

 En réalité, le juge, tout en élargissant le recours de pleine juridiction aux tiers, a pris soin de marteler que « dans le cadre du contrôle de légalité, le représentant de L’État dans le département est recevable à contester la légalité de ces actes devant le juge de l’excès de pouvoir jusqu’à la conclusion du contrat, date à laquelle les recours déjà engagés et non encore jugés perdent leur objet » (arrêt Tarn-et-Garonne précité).
Cette exception qui n’a d’autre but que la préservation de l’Ordre Public n’a pas eu un impact conséquent sur la tendance unificatrice du contentieux des contrats administratifs.  

 

II-                La confirmation de la tendance unificatrice du contentieux des contrats administratifs.


Amorcée depuis la jurisprudence Tropic (CE, 16 juillet 2007, Société Tropic Travaux Signalisation), la tendance unificatrice du contentieux des contrats administratifs trouve sa pierre angulaire dans la décision Tarn-et-Garonne (A) et, a un impact certain sur le contentieux des actes préalables comme postérieurs au contrat (B).

    A- L’apport décisif de la décision Tarn-et-Garonne

 Le principe posé par la jurisprudence Tarn-et-Garonne (1) est fort heureusement encadré (2).

    1- Le principe posé par Tarn-et-Garonne


Le juge a estimé que « Considérant qu’indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l’excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d’un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles ; que cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu’au représentant de l’État dans le département dans l’exercice du contrôle de légalité ; que les requérants peuvent éventuellement assortir leur recours d’une demande tendant, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de l’exécution du contrat ; que ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l’accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d’un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi ; que la légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer, ne peut être contestée qu’à l’occasion du recours ainsi défini ; que, toutefois, dans le cadre du contrôle de légalité, le représentant de l’Etat dans le département est recevable à contester la légalité de ces actes devant le juge de l’excès de pouvoir jusqu’à la conclusion du contrat, date à laquelle les recours déjà engagés et non encore jugés perdent leur objet »

L’analyse révèle que depuis cet arrêt (4 avril 2014, Département de Tarn et Garonne), l’assemblée du Conseil d’État autorise tout tiers à un contrat administratif s’estimant lésé dans ses intérêts d’en contester également la validité. Cette action est également ouverte aux membres de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, ainsi qu’au représentant de l’État dans le département dans l’exercice du contrôle de légalité.
Le juge pourra apprécier l’importance et les conséquences des vices entachant la validité du contrat. Il pourra ainsi décider de la poursuite de l’exécution du contrat si elle est possible, inviter les parties à prendre des mesures de régularisation au besoin ou, en cas d’impossibilité de poursuite de l’exécution, résilier le contrat. En cas de contenu illicite ou s’il est atteint de tout vice d’une particulière gravité que le juge doit relever d’office, l’annulation totale ou partielle est possible.
Le tiers peut également demander une indemnisation du préjudice découlant de l’atteinte des droits lésés.
Cependant, cette jurisprudence révolutionnaire porte en son sein des encadrements.

     2-  L’encadrement de la nouvelle voie de recours ouverte au tiers


Ces encadrements sont justifiés par le souci de préserver la stabilité des relations contractuelles. Ils peuvent être sériés en trois.
D’abord, sur un plan procédural, le recours du tiers ne sera admis que pour autant qu’il justifie que ses intérêts sont susceptibles d’être lésés de manière suffisamment directe et certaine.
Ensuite, au fond, les irrégularités invoquées devront être en rapport direct avec l’intérêt lésé ou, dans le cas inverse, ces irrégularités devront être d’une particulière gravité. En revanche, eu égard aux intérêts dont ils ont la charge, les élus des collectivités territoriales et les préfets pourront, pour leur part, invoquer tout vice entachant le contrat, ces conditions ne leur étant pas applicables.
Enfin, ce recours « Tropic » élargi est, pour tous  les tiers, enfermé dans un délai de deux mois à compter de l’accomplissement de mesures de publicité appropriées, « notamment au moyen d’un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi ».

    B-  L’impact de la jurisprudence Tarn-et-Garonne sur le contentieux du contrat administratif

L’impact de la jurisprudence Tarn-et-Garonne sur le contentieux du contrat administratif s’est révélé dans le changement de la nature du recours contre l'acte d'exécution du contrat (1), lequel changement admet des conditions de recevabilité circonscrites (2)

1-      Le changement de nature du recours contre l'acte d'exécution du contrat

 La décision Département de Tarn-et-Garonne (CE, 4 avril 2014, n° 358994) a été le point d'orgue d'une profonde recomposition des voies de recours ouvertes aux tiers à un contrat administratif à l'encontre de ce dernier. Ceux-ci peuvent, désormais, par un recours de plein contentieux, contester la validité du contrat. Ils pouvaient également, jusqu'à la décision Syndicat mixte de promotion de l'activité transmanche (SMPAT) en date du 30 juin 2017, contester les actes d'exécution du contrat par la voie du recours pour excès de pouvoir.
Cette recomposition n'était, pour autant, pas encore complètement achevée. Et, ainsi que le note le rapporteur public, les mêmes raisons qui avaient conduit le Conseil d'État à ouvrir aux tiers le recours pour excès de pouvoir contre les actes détachables de l'exécution du contrat « plaident aujourd'hui pour redéfinir ce recours par référence à la voie principale de la contestation de la validité du contrat ouverte aux tiers par la décision Département de Tarn-et-Garonne ».
Des fait de l’arrêt SMPAT, on retient que par une convention de délégation de service public conclue le 29 novembre 2006, le syndicat mixte de promotion de l'activité transmanche (SMPAT), qui a pour objet le développement et la promotion de l'activité transmanche entre la Seine-Maritime et le sud de l'Angleterre, avait délégué à la société Louis Dreyfus Armateurs SAS l'exploitation, au moyen de deux navires, d'une liaison maritime entre Dieppe et Newhaven.
Les sociétés France-Manche et The Channel Tunnel Group, exploitant le tunnel sous la Manche, estimaient que cette délégation de service public, par la concurrence qu’elle créait, lésait leur intérêt commercial. Elles ont donc demandé au président du SMPAT de résilier ce contrat. Une décision implicite de refus est née du silence gardé pendant plus de deux mois par le président du SMPAT sur cette demande de résiliation. Les sociétés requérantes ont alors saisi le tribunal administratif de Rouen, lequel a rejeté leur demande.
Par un arrêt du 28 janvier 2016, contre lequel le SMPAT se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Douai a annulé ce jugement ainsi que la décision litigieuse en raison de la méconnaissance par le SMPAT des règles du Code des marchés publics lors de la procédure de passation du contrat, et a enjoint au SMPAT de résilier le contrat.
Le Conseil d'État a décidé de procéder à un revirement de jurisprudence et a jugé que les recours présentés par des tiers contestant un refus de résiliation d’un contrat relèveront désormais de l’office du juge du contrat. Cette décision a pour conséquence la fermeture, pour les tiers, du recours contre les actes d'exécution du contrat devant le juge de l'excès de pouvoir.
Par sa décision, le Conseil d'État fait donc œuvre d'unification. Il est à souligner que deux catégories de requérants peuvent initier ce nouveau recours : les tiers lésés au sens de la jurisprudence Tarn-et-Garonne et, concernant les contrats conclus par les collectivités territoriales, les « tiers privilégiés », également au sens de cette jurisprudence, ce qui recouvre les élus de la collectivité concernée et le préfet.
Cette nouveauté procédurale demeure toutefois encadrée.

2-      L’encadrement du nouveau recours

Le juge du contrat encadre, nous l’avions dit, l’accès des tiers à la nouvelle voie de droit. En effet, ceux-ci devront tout d’abord justifier qu’ils ont été lésés dans leurs intérêts de façon directe et certaine. Ce point de l’arrêt SMPAT n’est pas nouveau. Il n’est que la reprise mot pour mot de l’arrêt Tarn-et-Garonne du 4 avril 2014. Le juge de l’arrêt du 30 juin 2017 a donc suivi la position de ses pairs en exigeant des tiers de justifier d’un intérêt lésé. Par contre, les tiers ne pourront soulever à l’appui de leur recours que des moyens tirés de ce que « la personne publique contractante était tenue de mettre fin à son exécution et non les conditions dans lesquelles la décision de refus de résiliation a été prise. » (CE, 30 juin 2017, SMPAT). Le juge précise que trois cas pourront justifier une fin anticipée du contrat litigieux.
Tout d’abord, la fin de l’exécution du contrat doit être exigée par application de dispositions législatives. On peut imaginer par exemple que le tiers invoque comme moyen une durée excessive d’un contrat dès lors que les nouveaux textes en vigueur encadrent la durée des contrats de la commande publique. Ces moyens seront le plus souvent soulevés dans un contentieux relatif à l’exécution d’une concession. L’article 6-II du décret n° 2016-86 du 1er février 2016 relatif aux contrats de concession dispose en effet que « pour les contrats de concession d’une durée supérieure à cinq ans, la durée du contrat n’excède pas le temps raisonnablement escompté par le concessionnaire pour qu’il amortisse les investissements réalisés » (Article 6-II du décret n° 2016-86 du 1er février 2016 relatif aux contrats de concession). Un tiers pourrait donc demander la résiliation d’un contrat de concession qui ne respecterait pas cette disposition.
Ensuite les tiers bénéficieront également du moyen tiré de ce que le contrat litigieux est entaché d’irrégularités faisant obstacle à sa poursuite. Dans ce cas, le juge soulèvera d’office ledit moyen. Cependant, il reste que l’appréciation de ce moyen sera faite au cas par cas. Seul le juge déterminera en fonction des circonstances de l’espèce, si le contrat est entaché ou non d’irrégularités graves. Pour l’heure, l’inexécution contractuelle constitue une irrégularité pouvant déboucher sur la fin d’un contrat administratif.
Enfin, les tiers seront recevables à exiger la fin du contrat lorsque la poursuite de l’exécution de celui-ci est manifestement contraire à l’intérêt général. Il convient de rappeler que le juge administratif a une conception large de l’intérêt général. Par exemple, constituent des motifs d’intérêt général justifiant la résiliation d’un contrat administratif, des difficultés techniques rencontrées en cours d’exécution (CE, 22 janvier 1965, Société des établissements Michel Aubrun), ou encore le cas d’un cocontractant ne disposant plus de garantie suffisante pour exécuter le contrat, (CE, 31 juillet 1996, Société des téléphériques du Mont-Blanc),  même la nécessité de mettre fin à une convention dépassant la durée prévue par la loi (CE 7 mai 2013, Société auxiliaire de parcs de la région parisienne,). Les tiers auront tout intérêt à l’invoquer à l’appui de leur recours.
Dès lors que l’un de ces moyens sera avéré, il appartiendra au juge du contrat « d’ordonner après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général, qu’il soit mis fin à l’exécution du contrat, le cas échéant avec un effet différé. » (l’arrêt SMPAT précité). Alors que le juge de l’arrêt Tarn-et-Garonne dispose d’une palette de pouvoirs utilisable en fonction des situations, celui de l’arrêt commenté n’aura qu’un seul choix face à plusieurs situations : ordonner aux parties de mettre fin à l’exécution du contrat. Cette nouvelle voie de droit offerte aux tiers reste ainsi encadré au niveau des moyens à faire valoir et de l’office du juge qui se voit adapté à la demande du requérant.


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