Le principe du contradictoire en droit processuel
Règle d’organisation
judiciaire, de compétence, d’instruction des procès et d’exécution des
décisions de justice, la procédure qu’il s’agisse de procédure civile, pénale,
administrative ou commerciale repose sur le principe du contradictoire.
En réalité, dans le langage
quotidien, l’adjectif « contradictoire » est synonyme
d’ « illogique » ou d’ « inconséquent ». Il a un
sens différent, dans le langage procédural, où il qualifie le fait que dans le déroulement d’un
procès , chacune des parties a été mise en mesure de discuter à la fois ,
l’énoncé des faits et les moyens juridiques que ses adversaires lui ont
opposés. Il question alors ‘‘du respect du contradictoire’’ et encore en
parlant d’un jugement, qu’il est intervenu au contradictoire des parties.
En droit positif
togolais, le contradictoire fait office de principe cardinal des procédures
juridictionnelles. C’est donc à juste titre qu’il a valeur constitutionnel
(art. 17 de la Constitution) et, est présent à la fois dans le Code togolais de
procédure pénale ( voir les articles 92 et 96) et dans le code togolais de procédure
civile (les article 48 à 51). En outre, le contradictoire est requis à toutes les phases du procès, du stade de l’instruction
à la condamnation.
Principe relevant de l’ordre
public (L’ordre public est un ensemble des règles obligatoires qui sont
édictées dans l’intérêt général. Ces règles sont appelées « règles
impératives », c’est-à-dire que l’on ne peut pas en écarter l’application
par contrat. Elles se distinguent d’un autre type de règles appelées
supplétives auxquelles l’on peut déroger par la simple manifestation de volonté
individuelle), le contradictoire
implique trois conséquences. D’abord, les parties doivent pouvoir connaitre
tous les documents qui vont servir à la prise de décision. Ce qui implique
que le juge ne peut pas condamner une
personne sur le fondement d’une pièce qui a été ignoré des parties. Au nom de
ce principe, pas de surprise à l’audience. Haro sur la télévision et les séries
américaines qui font fi de nos règles de procédures et montrent à qui mieux-mieux
l’avocat sortant de sa manche un argument imparable, une preuve absolue, dont
son adversaire ne sait rien. Ensuite, on doit y comprendre que le secret procédural
n’est pas opposable aux parties : cela signifie que les parties doivent
pouvoir accéder au contenu du dossier les concernant. Enfin, le contradictoire
implique le droit de comparaitre : d’une part, l’adversaire, appelé le
défendeur doit être doit avoir connaissance qu’une procédure est engagée contre
lui, cela se traduit par l’assignation en justice. D’autre part, cela signifie
que les deux parties doit avoir connaissance de la date du jugement et cas
échéant se faire entendre du juge.
L’on n’est en droit de
se demander pour quelle raison une procédure juridictionnelle doit être
contradictoire.
En réalité, comme le
relevait Bruno Oppetit, le principe du contradictoire est une réponse à l’exigence supérieure de
l’idéal de justice. C’est un élément indispensable permettant à une
juridiction d’avoir la qualité de
tribunal dans le système latino- germanique. Ainsi le principe du contradictoire,
inhérent à toute fonction juridictionnelle (I), se révèle comme une garantie à
la protection des droits de chaque partie à un procès (II)
I-
Le principe de la contradiction,
une inhérence à toute fonction juridictionnelle
Parler du caractère inhérent du principe de
contradiction revient à aborder l’approche transcendantale du principe. En
effet, la contradiction est omniprésente dans toutes les formes de procédure judiciaire.
Voilà pourquoi pour certains, la contradiction est un droit naturel car il se retrouve
dans tous les types de procédure, qu’il se rencontre devant toutes les
juridictions étatiques, qu’il s’agisse judiciaire, administrative ou les
juridictions arbitrales ou encore les commissions administratives ou organe de
professions réglementées dotées d’un pouvoir juridictionnel ou d’un pouvoir
disciplinaire. De plus, il n’est pas qu’un principe propre au droit togolais. Aussi
est-il consacré, par exemple, dans le
droit de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH), dans la jurisprudence
du conseil constitutionnel français, par les différents droits procéduraux et
par la jurisprudence de la cour de cassation et du conseil d’Etat français. Ce
principe s’impose par le fait qu’il est intimement lié à la notion de
droit de la défense car pour pouvoir se défendre, il faut connaitre les
prétentions adversaires, les moyens de fait ou de droit sur lesquels s’appuie
la partie adverse et les éléments de preuve de l’adversaire des faits allégués
en temps utile. C’est toutes ces conditions réunies qui vont permettre à ce que
la décision rendue soit conforme à la loi. La CEDH a évidemment déduit du droit
au procès équitable et du principe de l’égalité des armes que toute procédure
doit respecter le principe du contradictoire (l’arrêt du 24 Février 1995, Michael
contre royaume- uni). L’arrêt MELIN contre France du 22 Juin 1993 en ait
également une illustration. Dans les faits de l’espèce, il s’agissait d’un
ancien avocat qui avait formé un pourvoi en cassation ou il n’y avait pas la
représentation obligatoire. Il a ignoré la loi qui donne un délai pour prendre
connaissance des moyens adverses et y a apporté une réponse, il n’a pas
respecté le délai donc son pourvoi a été rejeté. Il a formé un recours devant
la CEDH en expliquant que les règles de procédure interne à la cour de
cassation aurait du porté à son intention les délais pour prendre connaissance
des moyens et d’y répondre. La CEDH l’a rejeté car il était avocat donc devait
les connaître.
Au Togo, l’article 48 du Code de procédure civile
(CPC) dispose que « Nulle partie ne peut être jugée sans avoir été
entendue ». Le
« renchérissement » opéré à l’article 50 dudit Code (« Le juge
doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe
de la contradiction ») démontre à suffisance qu’on est en présence d’un
principe fondamental du droit processuel.
Il est à signaler que,
comme au Togo, la contradiction a valeur
constitutionnelle. En effet, le juge constitutionnel français, dans un
arrêt du 3 septembre 1986 a censuré une loi qui n’a donc été promulguée pour méconnaissance au principe de la
contradiction. Il était question de permettre au juge d’instruction lorsqu’il
entendait informer sur des faits nouveaux de pouvoir immédiatement statuer sans
avoir à entendre préalablement et à nouveaux la personne mis en examen. Il faut
le rappeler, bien avant le conseil constitutionnel, le Conseil d’Etat dans un
arrêt du 31 octobre 1981 a sacralisé ce principe en principe général du droit
(PGD) .
II-
Le principe de la contradiction,
une garantie de la protection du droit des parties
La contradiction est intimement liée à la notion de droit de la défense car
pour pouvoir se défendre, il faut connaitre les prétentions adversaires, les
moyens de fait ou de droit sur lesquels s’appuient la partie adverse, et les
éléments de preuve de l'adversaire des faits allégués en temps utiles. En réalité, c’est parce qu’une partie en défense
a pu discuter, critiquer les prétentions, les moyens et les pièces adverses en
présentant à son tour ses propres prétentions, ses moyens en défense, ses
pièces que l’on peut admettre que la décision juridictionnelle qui va être
rendue soit conforme à la loi.
Ce principe garantie l’égalité des armes qui,
elle-même, implique évidemment un procès
équilibré. L’exigence de l’égalité des armes implique l’obligation
d’offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause y
compris ses preuves dans des conditions qui ne la place pas dans une situation
de net désavantage par rapport à son adversaire.
On en fait une appréciation in abstracto que in concreto, dans la mesure où
au cas par cas on ne s’en sortirait pas. De ce principe d’équité vont découler d’une
part, le droit pour les parties de présenter leurs argumentations dans des
conditions équivalentes et d’autre part, le droit pour les parties d’exercer
les recours dans des conditions équivalentes quoiqu’avec quelques nuances (le
cas de l’instruction où le parquet peut faire appel de toutes les ordonnances
rendues par le juge d’instruction).
Le principe de la contradictoire donne à l’accusé,
le droit d’être informé de la nature et de la cause de l’accusation portée
contre lui (voir l’art. 17 de la Constitution togolaise). En
principe, dans le plus court délai, et dans une langue qu’il comprend et d’une
manière détaillée, de la nature de la cause de l’accusation de la cause portée
contre lui. Il s’agira des informations relatives à la cause de l’accusation, et information sur
la qualification juridique de ces faits pour lui permettre de se défendre.
L’article 92 du Code de Procédure Pénale
(CPP) va tout à fait dans ce sens à l’alinéa premier « Lors de la première comparution, le juge
d’instruction constate l’identité de l’inculpé, lui fait connaître expressément
chacun des faits qui lui sont imputés…». L’article 6 est intéressant parce que
cela concerne toute personne suspectée ou poursuivie, le champ d’application
est large. Ce droit de la personne
s’applique dès le stade de l’enquête.
Ce principe, en outre, confère le droit de
disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense
Pour apprécier si le respect de ce droit a était effectif il faut apprécier
une situation in concreto en fonction des circonstances de la cause et de la
complexité de l’affaire.
Ce droit d’être en situation de préparer sa défense implique pour sa
personne l’accès au dossier. Ainsi l’accès de l’accusé ou de son avocat au
dossier de la procédure y compris pendant la phase préparatoire du procès, cet
accès est une des conditions fondamentales du respect des droits de la défense
(voir l’art. 96 du CCP togolais)
En effet, une personne ne peut se défendre efficacement que si elle a
connaissance des éléments à charge ou à décharge résultant des investigations
conduites par les services de police, gendarmerie ou par le juge d’instruction.
Le droit de se défendre soi même ou avec l’assistance d’un avocat. Au cœur
des droits de la défense, il bifurque en
droit de se défendre soi-même (conformément à l’art.96 du CPP), sauf
en cour d’assise où la présence d’un avocat est obligatoire et en droit de choisir un défenseur et de
s’entretenir librement avec lui (conformément à l’art. 16 de la Constitution et
aux arts..92, 94 et 95 du CPP) sauf si c’est commis d’office. En outre,
rien n’interdit de changer d’avocat. Il est à soulever, pour finir, que la liberté
de communication avec l’avocat est très important, aussi, l’entretien avec
l’avocat doit se dérouler en dehors de toute personne (le principe de confidentialité)
et relève de l’ordre public conformément à l’alinéa premier de l’article 94 du
Code de Procédure pénale.
© Josiane Kafui AKAKPO
DJADE
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