Dans les Dieux de la Cour Constitutionnelle du Togo !




Que dira la Cour au sujet de la requête du candidat Fabre Jean-Pierre?
Le 20 janvier dernier, le Candidat Fabre Jean-Pierre a saisi la Cour constitutionnelle pour que celle-ci invalide la candidature de Monsieur Gnassingbé Essozimna Faure aux motifs que cette candidature est anticonstitutionnelle en ce qu’elle viole l’article 59 nouveau de la Constitution : et que 26 des 29 articles de la loi constitutionnelle du 8 mai 2019 ont été inconstitutionnellement adoptés. Parmi ces articles figure l’article 158 remettant le compteur des mandats déjà effectués notamment par le candidat Gnassingbé Essozimna Faure, à zéro.
L’analyse de cette requête est d’un intérêt palpitant. Cette requête donne l’occasion à un contentieux constitutionnel mixte, à la fois électoral et normatif. Allons donc à la réflexion en mettons de côté les passions. 
Monsieur Fabre Jean-Pierre est-il fondé à soulever devant la Cour constitutionnelle, l’inconstitutionnalité de certaines disposition de la loi constitutionnelle du 8 mai 2019 et de demander à celle-ci d’invalider la candidature de Monsieur Gnassingbé Essozimna Faure ?
Nous répondrons à cette question en se faisant prophète. Les dieux de la science juridique  annoncent d’une part un probable rejet de la requête de Monsieur Fabre Jean-Pierre (I), et d’autre part une confirmation certaine de la validité de la candidature de Monsieur Gnassingbé Essozimna Faure (II).

I. Un probable rejet de la requête 

« Que faisiez-vous au temps chaud ? » Cette belle question de la fourmi à la cigale dans les fables de Jean de la Fontaine peut être à bon escient posée à Monsieur Fabre Jean-Pierre. Le politicien répondra : « on marchait ». Mais rassurez-vous, nous ne ferons pas trop de politique ici, même si le droit constitutionnel est un droit mâtiné de politique. 
Monsieur Fabre Jean-Pierre est un simple citoyen et ne figure pas dans la liste des autorités pouvant saisir la Cour Constitutionnelle. Illustration en est faite aux termes l’alinéa 4 de l’article 104 nouveau de la Constitution : « Les lois peuvent, avant leur promulgation, lui être déférées par le Président de la République, le premier ministre, le Président de l'Assemblée nationale, le Président du Senat, le Président de la Haute Autorité de l'audiovisuel et de la communication, le Président du Conseil économique et social, le Président de la Commission Nationale des Droits de l’homme, le Président du Conseil Supérieur de la Magistrature, le Médiateur de la République, les présidents des groupes parlementaires ou un cinquième (1/5ème) des membres de l'Assemblée nationale ou du Sénat ». 
Même si au sein de la doctrine, des voix s’élèvent pour clamer la reconnaissance au citoyen ordinaire du droit de saisine de la Cour sur la base du préambule de la Constitution qui renvoie aux textes comme le Déclaration Universelle des Droits de l’Homme  et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples  ; lesquels reconnaissent aux individus le droit de saisir les juridictions nationales pour faire entendre leur cause, la jurisprudence de la Cour constitutionnelle est constante : un citoyen ne peut saisir directement la Cour constitutionnelle ! 
Par conséquent,  puisque la demande d’invalidation de la candidature de Monsieur Gnassingbé Essozimna Faure repose sur l’analyse de la constitutionnalité de certaines dispositions de la loi du 8 mai, la requête de Monsieur Fabre Jean-Pierre sera rejetée pour défaut de qualité.
Mais la Cour peut par « audace », accepter de recevoir la requête puisque le requérant est candidat à l’élection présidentielle et que sa demande porte sur une des candidatures à l’élection ; le juge constitutionnel étant juge de l’élection présidentielle. 

II. Une confirmation certaine de la validité de la Candidature de Monsieur Gnassingbé Faure.

Le contentieux de l’élection présidentielle relève de la compétence du juge constitutionnel en vertu de l’article 104 alinéa 2 de la Constitution. 
Sur cette base, les juges de la Cour peuvent décider de déclarer « recevable » la requête de Monsieur Fabre Jean-Pierre. 
Mais sur le fond, quand il s’agira d’analyser la procédure d’adoption de la loi du 8 mai, la Cour fera observer qu’elle aurait dû être saisie pendant la période allant de l’adoption à la promulgation de la dite loi. C’est-à-dire entre le 8 et le 15 mai par les autorités citées à l’alinéa 5 de l’article 104 ancien de la Constitution. 
Il faut relever que le principe de la sécurité juridique voudrait que les lois ne soient pas éternellement remises en cause. Dans le cas d’espèce, il s’agit d’une loi et non des moindre, d’une loi constitutionnelle. Pour soulever l’inconstitutionnalité d’une loi en vigueur, il doit s’agir d’une procédure indirecte. C’est-à-dire que l’exception d’inconstitutionnalité doit être soulevée au cours d’une procédure ordinaire judiciaire ou administrative. C’est ce qu’on retient d’alinéa 8 de l’article 104 nouveau de la Constitution : « Au cours d'une instance judiciaire, toute personne physique ou morale peut, in limine litis, devant les cours et tribunaux, soulever l'exception d'inconstitutionnalité d'une loi. Dans ce cas, la juridiction sursoit à statuer et saisit la Cour constitutionnelle ».
C’est sur la base de ce qui précède que la Cour jugera « valide », la candidature de Monsieur Gnassingbé Essozimna Faure et non fondée la demande d’invalidation de cette candidature.
La Cour constitutionnelle du Togo a ouvert sa nouvelle jurisprudence de la décennie le 10 janvier 2020. Même si cette Cour attend d’être complétée, elle est régulièrement sollicitée ces derniers temps et très attendue dans ses décisions par les citoyens qui veulent toujours la voir dire le droit ! 
Le wait and see continue…

Par Koudjoukabalo TCHALA, Juriste Spécialiste des Contentieux publics.




Commentaires

  1. Très intéressant. Vivement que la justice règne dans cet État. Nous sommes donc appelé chacun à son niveau à jouer son rôle au moment opportun

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