L’Essentiel de la justice au TOGO




         Le juge qui refusera de rendre la justice, sous prétexte du silence, de l’obscurité, ou de l’insuffisance de la loi pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice. Cette exigence issue  du code civil met en exergue l’obligation  de rendre justice, qui incombe à tout juge,  et par extension à l’État. Cependant, le respect de cette obligation, exige donc  une organisation et un fonctionnement efficient de l’organe judiciaire, axé sur des garanties d’un procès équitable. Sans prétendre à l’exhaustivité, la présente réflexion, se propose de ressortir l’essentiel sur la justice au Togo.

        Il faut a priori noter que, la justice est une vertu qui consiste à dire ce qui est juste, conforme à la loi dans l’espèce soumise à un organe donné. Elle peut aussi dans un sens technique désigner, l’ensemble des juridictions d’un pays donné, organisé sous la forme de service public. Dans le cadre de cette réflexion, le mot justice emprunte plus la voie du sens technique.
Il faut d’ores et déjà rappeler que, l’organisation de la justice est précisée par l’ordonnance n°78 035 du 07 septembre 1978 portant organisation judiciaire. Quant à la cour suprême elle est régie par la loi organique n° 97 005 du 06 Mars 1997. Cette organisation est fondée éminemment  sur le respect des principes d’unité juridictionnelle et de séparation des contentieux d’une part, et du double degré de juridiction d’autre part. Les principes d’unité juridictionnelle et de la séparation des contentieux tels que prévus par la constitution togolaise (article 119al1), supposent que les autorités judiciaires et administratives se retrouvent au sein d’un même ordre de juridiction qui à son tour se fragmente en chambres judiciaires et administratives. Ainsi, les chambres judiciaires connaissent des litiges entre particuliers, tandis que les chambres administratives connaissent les litiges opposant administrés et administration, ou entre administrations entre-elle. Le principe de la dualité des ordres de juridictions tant prisé ailleurs est donc mitigé au Togo. On dispose d’une part, les tribunaux de premières instance, les chambres judiciaires des cours d’appel et suprême formant l’ordre judiciaire, et d’autre part, la chambre administrative de la cour d’appel et de la cour suprême formant à elles seules l’ordre administratif, qui peine d’une consécration en bonne et due forme. La justice togolaise garantie également, le principe du double degré de juridiction. Ainsi dispose on des juridictions du premier degré qui statuent sur les affaires une première fois, des juridictions de second degré,  dont le rôle consiste à rejuger les affaires des juridictions de premier degré en fait et en droit et enfin la cour suprême qui a pour mission d’uniformiser la jurisprudence, de réguler les interprétations de la loi, de sanctionner la méconnaissance d’une règle de droit par les juges du fond, c’est-à-dire ceux des degrés précédents.

 Au regard de tout ceci, il est opportun de s’interroger sur les principes régissant  la justice togolaise.
  L’intérêt de cette réflexion, réside dans le fait, qu’elle nous plongera éminemment  dans les règles auxquelles la justice est soumise en tant que service public et celles qu’elle doit garantir, pour un procès équitable.
Nous aborderons d’abord les règles régissant le fonctionnement de la justice(I), ensuite, les règles garantissant un procès équitable(II)

I LES PRINCIPES RÉGISSANT LE FONCTIONNEMENT DE LA JUSTICE AU TOGO

Le fonctionnement de la justice est soumis au respect du principe de  l’égalité et de la gratuité de la justice(A), d’une part et  d’autre part, au respect du principe de la permanence de la justice et de la publicité

A)    Du respect du principe d’égalité à la gratuité de la justice

Au terme de la déclaration universelle des droits de l’homme, les hommes naissent libres et égaux en droit et en dignité. Plus encore l’art 2 al.1er de la constitution togolaise dispose que la loi est la même pour tous et tous doivent recevoir le même traitement devant les juridictions.  Les justiciables doivent donc se trouver dans la même situation, ils doivent donc être jugés par les mêmes tribunaux, selon les mêmes règles de procédure de forme et de fond. Conformément à ce principe les justiciables se trouvant dans la même situation doivent être jugés par les mêmes tribunaux suivant une même procédure. En effet, ce principe applicable au Togo est aussi inspiré d’une décision du conseil constitutionnel français en date du 23 juillet 1975. 
Quant au principe de la gratuité, il est prévu par l’art 10 al.1er de l’ordonnance de 1978. Il consiste à assurer un accès facile à la justice, sans pour autant engendrer des couts à la charge du justiciable. Cependant, il faut noter que certaines dépenses dits « dépenses irrépétibles », restent à la charge des justiciables. Il s’agit en effet de la rémunération des avocats, des avoués…il faut surtout mentionner les consignations prévues à l’art 68 du code de procédure civile. Pour faciliter l’accès à la justice, l’État a mis en place un système d’aide juridictionnelle. La  loi portant aide juridictionnelle a été adoptée le 24 Mai 2013, en vertu de cette loi, l’État peut accorder une aide financière dans le cadre d’une procédure  devant une juridiction aux démunis. Cette loi, prévoit la mise place d’un bureau d’aide juridictionnelle qui a pour mission d’apprécier l’opportunité de l’aide dans une procédure de demande d’aide juridictionnelle. Plus récemment, en Mai 2016 fut adopté un projet intitulé, « amélioration de l’accès de la justice pour les enfants au Togo ». Il s’agit d’un projet financé à hauteur de 820 millions de FCFA par l’union européenne et l’UNICEF. Ce projet prendra en charge 3600 enfants, dont 2700 et 900 de moins de 18 ans sont en conflit avec la loi. Au-delà de ces principes s’imposent également, la nécessité de la permanence de la justice et le principe de la publicité.

B)    Du respect de la permanence de la justice et de la publicité

Le principe de la permanence de la justice, s’inscrit dans une logique d’obligation de continuité du service public. La justice doit être donc rendue de façon permanente et continue, donc sans interruption. Toutefois on peut s’interroger sur l’effectivité de ce principe en matière criminelle quand on sait que les sessions de la cour d’assise sont semestrielles en ce qui concerne la publicité il est proclamé par plusieurs texte fondamentaux dont la déclaration universelle des droits de l’homme dans son article 10 souligne que toute personne a droit en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue publiquement par un tribunal qui décidera du bienfondé des accusations en matière pénale, dirigée contre elle. La publicité des audiences est une garantie en faveur des plaideurs, de ce fait que les débats et plaidoiries doivent se dérouler dans une salle ou le public a un libre accès, car conformément à l’art 112 de la constitution togolaise, la justice est rendue au nom du peuple togolais. Ce principe de publicité est mis en lumière par l’art 07 de l’ordonnance de 1978. Au-delà de ces principes, gage d’une justice efficiente, il faut un respect des principes directeurs d’un procès équitable.

II) les principes issus des exigences du procès équitable

personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial qui décidera, soit de ses droits et obligations, soit du bien fondé de toute accusation dirigée contre elle. Cette exigence issue de l’article 10 de la déclaration universelle des droits de l’homme met en lumière, certains principes gage d’un procès équitable. Essentiellement, il s’agit des exigences d’indépendance (A), et d’impartialité de la justice(B).

A)    Les exigences d’indépendance

        Conformément à l’art113 de la constitution togolaise, notamment à l’alinéa 1erle pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif. En vertu de leur statut, les magistrats du siège ne relèvent que de la loi dans l’exercice de leurs fonctions juridictionnelles. Cette exigence est relayée par l’art 113al2 de la constitution.  Il faut noter que l’indépendance de la justice conformément à l’art 115al 1er de la constitution togolaise, est garantie par le président de la république, qui est assisté par le conseil supérieur de la magistrature. L’indépendance de la justice par rapport au pouvoir législatif, fait une obligation au juge de s’immiscer dans la fonction législative, et vice versa. Par conséquent, les juges ne peuvent pas s’opposer à l’application des lois quelle que soit leur propre opinion sur l’opportunité de  ces lois. L’indépendance à l’égard du pouvoir exécutif suppose la non-ingérence de l’exécutif dans les affaires judiciaires.

B)    Les exigences d’impartialité

L’impartialité, est l’exigence déontologique et éthique inhérente à toute fonction juridictionnelle. Le juge se situe donc à égale distance entre les parties, c’est-à-dire qu’il ne doit être proche d’aucune d’elles ni avoir un intérêt quel qu’il soit, même indirect dans les affaires qu’il est appelé à juger. Son rôle est de tenir la balance égale entre les parties et de départager les prétentions en en conflit en faisant référence au droit, à l’équité. Plusieurs mécanismes permettent d’assurer le respect de ce principe. Il s’agit notamment de la récusation pour intérêt personnel, amitié, inimitié, et des incompatibilités des fonctions juridictionnelles   avec les mandats politiques.Le juge doit donc veiller au respect du contradictoire. Aux termes des arts 48et 50 du code de procédure civile nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée.

 Le contradictoire suppose donc que les parties puissent avoir les mêmes chances de défense.
S’il est vrai qu’un vaste chantier de modernisation de la justice a été amorcé par l’État togolais, il n’en demeure pas moins évident que la justice togolaise à d’importants défis à relever. Il s’agit entre autre de la conquête de la confiance des justiciables dont plus de 50%  selon un récent sondage d’afro-baromètre n’ont pas confiance en l’organe judiciaire, et de mettre en place les juridictions administratives en bonne et due forme, habilitées à connaitre du contentieux administratif.



©Par fidèle Lévi GUENKOU, juriste


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