L'histoire du TOGO 1

A quelque jours de la commémoration du cinquante-septième anniversaire de l'accession du Togo à l'indépendance, le Groupe MONTESQUIEU, par l'entremise de Blaise DOKOU, a eu l'honneur de recevoir  l'historien Joseph TSIGBE, Maitre de Conférences à l'Université de Lomé. 

N.B: Cet Entretien est la première d'une série.















Pour introduire les numéros de son émission qu'il anime sur la Radio France Internationale (RFI) , Archives d'Afrique , Alain FOKA a l'habitude de dire : « Nul n'a le droit d'effacer une page de l'histoire d'un peuple car un peuple sans histoire est un monde sans âme » . 

Soyez le bienvenu cher Professeur et merci d'avoir accepté notre invitation.

C'est moi qui vous remercie. L'histoire participe de l'identité d'un peuple et comme le disait Winston Churchill, sans un sens de l'histoire, nul ne peut comprendre les problèmes de son temps.
Bienvenus donc au temple de Clio (la déesse de l'histoire).

Une première question tout de suite : pourquoi Togo pour désigner notre pays et d'où vient ce nom ?

En l'état actuel des connaissances sur la question, Togo vient de Togodo, ethnonyme qui va évoluer pour donner Togoville. Cette localité avait une certaine suprématie sur les autres localités du littoral, à cause du rôle capital que son prête « Avéto » jouait sur l'ensemble de l'espace cultuel qui relevait de son autorité morale.
C'est la raison pour laquelle lorsqu'il s'est agi de signer un traité de protectorat, les Allemands ont cherché l'autorité dont la légitimité ne serait pas remise en cause... Celle de Togodo donc.
Précisons que c'est la déformation de Togodo par les Européens qui va donner Togoville.


Avant l'arrivée de Gustav Nachtigal et même avant la Conférence de Berlin où fut partagée l’Afrique, il n'existait pas de « Togo » qui s'étendrait sur 90.400 km2. 
Alors dites nous ...comment un traité signé avec une autorité locale du Sud a pu entrainer la domination de peuples situés à des centaines de kilomètres au Nord du Littoral ?
Y avait-il une raison de croire que ces peuples du Nord étaient eux aussi sous l'autorité du Roi de Togodo ?

Oui, parler du Togo en tant qu'entité territoriale avant 1884 relèverait de l'anachronisme. Cela ne veut pas dire que les peuples du futur Togo n'existaient pas. L'autorité morale de l'Avéto dont j'ai parlé tantôt ne s'étendait que sur environ 30 km du littoral vers le Nord. Vs comprenez que dans ce cas, le traité signé en 1884 ne saurait engager les populations des profondeurs.
Mais la réalité est qu'après ce traité de protectorat, les Allemands durent mener des expéditions militaires pour forcer les populations de l'intérieur à adhérer au traité ainsi signé. Voilà pourquoi on dit que ce sont les Allemands qui ont créé de toutes pièces l'entité territoriale (au plan juridique) dénommée Togo.
Malgré cela, il faut savoir que jusqu'à la fin de la colonisation allemande, certains peuples du Nord Togo n'avaient même pas connaissance des Allemands. Ces derniers en nombre insuffisant, ont confié par délégation de pouvoir, la gestion de ces peuples aux autorités traditionnelles du milieu...


Avec qui exactement Gustav Nachtigal a t'il signé le traité de Protectorat ? 
Et également, comment ont il pu se mettre d'accord quand on sait que Gustav Nachtigal ne devait pas parler éwé et le Roi ne devait pas parler allemand non plus ?
Sur les documents officiels disponibles encore aux archives nationales du Togo, le traité signé en Allemand, s'est fait entre Nachtigal et un certain Plakoo. Ce plakoo dont le nom et l'emprunte digitale figurent sur le document du Traité, serait le porte-sceptre du roi Mlappa III  de Togoville.
En réalité cela peut s'expliquer de deux façons.
Dans tous les cas, connaissant la façon dont la chefferie marche en pays Bè -Togo ou en milieu éwé en général en ces temps anciens, le chef ne sortait que rarement. Il se faisait très souvent représenter par un de ses notables ou son porte-canne.On peut supposer que c'est ce qui s'est passé.
Mais il y a une seconde explication, c'est que dans ces milieux, quand le chef décède, il y a toujours une régence qui est assurée. On peut également supposer que le Plakoo en question jouait le rôle de régent et a signé au nom de l’autorité du trône royal des Mlapa. Mais ce qui est sûr, c'est que les Allemands n'ont jamais dit avoir rencontré le Mlappa III en question. Et puis les recherches effectuées par les historiens togolais à ce jour n'ont jamais révélé l'existence des deux premiers Mlappa.
Quant à la langue, n'oublions pas que des gens d'Aného parlaient a l'époque couramment des langues étrangères et servaient d'interprètes aux Européens de la côte.

Donc, on ne sait pas concrètement si Plakoo était un émissaire du Roi Mlappa III ou s'il était un régent (en raison du décès du Roi) au moment de la signature. 
Venons en maintenant à l'histoire plus récente. 
Quand le Togo est il réellement devenu indépendant ? 1958 ou 1960 ?

Plakoo a signé avec la mention porte-sceptre du roi Mlapa. A ce jours, nos recherches ne nous ont pas permis de dire clairement s'il a agit en tant que régent du souverain décédé ou bien en tant qu’émissaire d'un souverain en vie. Voilà.
Venant à la question de l'indépendance, disons que l'acte juridique qui a déterminé l'indépendance du Togo a été posé le 27 avril 1958 a la faveur des élections législatives. Mais l'officialisation de l'indépendance s'est faite de commun accord entre la France et le gouvernement d'Olympio, le 27 avril 1960.
Si les autorités togolaises l'avaient voulues comme en Guinée de Sekou Touré, l'indépendance aurait pu être immédiate. C'est d'ailleurs ce que voulaient les juventistes.
Mais le Togo avait d'énormes difficultés financières en 1958 et Sylvanus Olympio a choisi sagement de différer de deux ans la proclamation de l'indépendance pour continuer à bénéficier de l'aide financière de la France et surtout pour se préparer pour la proclamation de l'indépendance. Par ce choix, Sylvanus Olympio a sagement évité au Togo ce qui est arrivé à la Guinée de Sekou Touré.Il a préféré sacrifier les aspirations des juventistes pourtant compagnons de lutte des cutards, propagandistes de l'indépendance immédiate.
En tout cas ces deux ans ont permis de construire l'hôtel le Bénin actuel ibis, qui a hébergé les hôtes de marque en 1960, le monument de l’indépendance et à électrifier certaines artères principales avant la proclamation de l'indépendance

Mais historiquement, est-il juste de retenir 1960 comme l'année de l'indépendance puisqu'en réalité, juridiquement, elle a été acquise en 1958 ?

Oui, c'est 1960 la date de l'indépendance. Prenez l'exemple d'un président élu au suffrage universel. S’il a été élu le 24 avril, aussi longtemps que la cérémonie officielle de prestation de serment n'a pas lieu, surtout en cas d'alternance pacifique, peut-il commencer à exercer son pouvoir?
Pour le cas du Togo, c’est de commun accord avec la France qu’on a décidé de passer deux ans de transition. Pendant cette période, Olympio était toujours 1er ministre. C’est en 1960 que son statut juridique a changé passant de 1er ministre a président de la République.

DZITRI, que pouvez nous dire de cet homme qu'est considéré comme le fondateur de la ville de Lomé, aujourd'hui Capitale du Togo ?

L'histoire de Dzitri est relatée par le RP Henri Kwakumé dans son précis "Peuple éwé" publié en 1948. Il relate que Dzitri est un chasseur issu de l'exode de Notsè. Il s'établit à "Alomé" dans les arbustes de cure dent. La localité a pour site l'emplacement de l'actuel BTCI centrale. Il eut un fils du nom de Aglè qui est le fondateur du village de Bè, a l'époque non loin de Alomé. Mais ce qui est sûr, lorsque les Anglais ont commencé à pratiquer les côtes du futur Togo autour de 1880, ils ont noté l'existence du village de Bè et d'un autre espace qu'ils appelaient "Bè beach", c'est à dire "la baie de Bè". C'est à partir de cette baie que va émerger Lomé. Dans tous les cas, Alomé de Dzitri n'est pas Lomé moderne. Voici ce que Yves marguerat dit dans un document intitulé "Naissance de Lomé selon les documents de l'époque " publié en 1993: Contrairement à plusieurs villes africaines qui doivent leur naissance au fait colonial, Lomé n’est ni « une ville coloniale », créée de toutes pièces par une administration omnipotente, ni une « ville traditionnelle » née d’un noyau villageois mûri. Elle est par contre une « ville africaine non-autochtone »  portée essentiellement par les activités commerciales...


Un dernier mot de fin ...L'histoire du Togo est elle suffisamment bien enseignée selon vous ?

Non et non. L'Association des historiens et des archéologues du Togo dont je suis le secrétaire Général à fait un plaidoyer dans ce sens. Les tractations sont bien cours pour rectifier le tir. Plusieurs faussées sont encore enseignées à nos enfants
Et l'histoire du Togo même n'occupe que la portion congrue des programmes. Ce n'est pas normal. Notre programme d'enseignement qui date du 20 e siècle (annees1980) est extraverti. Les élèves Togolais ne connaissent pas grande chose de leur histoire. C'est inadmissible. Il faut bien rectifier le tir... Nous nous battons pour cela.

Nous espérons que ce combat portera des fruits .


Inch Allah. Nous en avons fait notre cheval de bataille en tout. Une première étape est franchie. Le gouvernement a financé la reproduction des manuels d'histoire que nous avons rédigés. Reste à revoir les programmes d'enseignement.

Nous sommes ainsi arrivés à la fin de notre Entretien du jour, Entretien qui nous a été accordé par Monsieur Joseph TSIGBE , Historien , Maître de Conférence à l'Université de Lomé .
Merci cher Professeur pour votre disponibilité.

C'est plutôt moi qui vous remercie. On est ensemble. Bon courage a tous pour cette heureuse initiative. Cordialement

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

DISCOURS DE SOUTENANCE

Les génèse et applications de la théorie de la séparation des pouvoirs

LA VINDICTE POPULAIRE : ENTRE JUSTICE ET VENGEANCE