L'Histoire du Togo 2
L'histoire, écrivit MARROU (De la
connaissance historique), est la réponse à une question que pose au passé
mystérieux la curiosité, l'inquiétude, certains diront l'angoisse
existentielle.
Sept jours après la première partie
de l'Entretien relatif à l'histoire du Togo, nous voici à la porte de la
seconde.
Pour le Groupe MONTESQUIEU, Abel KLUSSEY s'est entretenu avec M. Joseph TSIGBE, Maitre de Conférences en Histoire contemporaine à l'Université de Lomé.
Bonjour Professeur
Bonjour à
tous
Le 27 avril 1958, les Togolais, sous
le haut patronage d'une commission des Nations-Unies présidée par
M.Dorsinville, ont opté pour l'indépendance en choisissant, dans les urnes, les
nationalistes.
C'est ainsi que Sylvanus OLYMPIO
tour à tour Premier ministre et Président de la République du Togo eut dirigé
le Pays de mai 1958 à janvier 1963.
Considérant sa gouvernance une
cinquantaine d'années après, fut-il un héros ou un zéro ?
Merci pour
cette question. Vous savez, on ne peut dire d'un Président de la carrure de
Sylvanus OLYMPIO qu'il a été un zéro, quoiqu'on ait eu à lui reprocher. Il fut
un héros. En tout cas, ce sont les peuples qui font leurs héros. Et je pense
que les Togolais ont bel et bien héroïsé Sylvanus OLYMPIO en inscrivant
son nom dans le panthéon national de l'histoire.
Qu'est-ce qui vous permet (les
caractéristiques) de dire aujourd'hui que Sylvanus OLYMPIO était un héros ?
D'abord,
sachez que la question d’héroïsation est un compromis national nécessitant une
bonne dose de compromis. Prenez le cas de Jeanne d'arc en France et du prophète
Kimbangou au Congo. Le héros n'est pas forcément celui-qui a accompli des
choses extraordinaires. Le héros, c'est celui-là autour duquel un certain
consensus s'est dégagé pour le considérer comme tel. Et je pense que pour le
cas de figure d'OLYMPIO, bien que le consensus ne soit pas officiellement
dégagé, il y a une convergence de vue autour de sa personne comme un héro
national.
En plus de
ce postulat liminaire, il a, en si peu de temps de gouvernance, fait pas mal de
réalisations qui perpétuent sa mémoire, quoi qu'on dise.
Cette bonne dose de compromis qui
existerait aujourd'hui aurait fait défaut hier. En témoigne cet extrait ci-dessous
«...La situation économique et
politique de notre jeune État dirigée par une équipe de profiteurs s'était
considérablement détériorée ; depuis l'avènement de cette équipe, la démocratie
était bafouée et remplacée par un paternalisme autoritaire et arrogant... »
Extrait du discours du comité insurrectionnel, le 13 janvier 1963.
Avant ce discours, très tôt dans la
matinée, pour la toute première fois, un Chef d'État est assassiné en Afrique.
Qui a réellement tué Sylvanus
OLYMPIO ?
Oui, cette
dose de compromis a manqué hier, en tout cas jusqu'à fin 2005 lorsqu'une
commission a été mise en place par le Chef de l'État actuel pour réhabiliter
l'histoire du Togo. Ce sont les travaux de cette commission qui ont donné le
déclic.
Pour en
venir à l'épineuse question de "Qui a tué OLYMPIO", je dirai qu'elle
fait partie des énigmes de notre temps.
Vous savez,
les historiens ne travaillent pas avec des oui dire. Ils travaillent sur la
base des preuves. Beaucoup avancent des postulats évoquant tantôt le feu Président Eyadema, tantôt le sieur Georges Maîtrier, un gendarme français, conseiller
militaire de S. OLYMPIO dont le domicile n’était pas très loin de celui de S.
OLYMPIO à l'époque.
D'autres
évoquent également la complicité active de l'ambassadeur des USA de l'époque Mr.
POLLADA.
Pour moi
personnellement, la seule certitude que j'ai en l'état actuel des
connaissances, c'est que ce n'est pas Eyadema qui a tué S. OLYMPIO
Notre
bataille au sein de l'Association des historiens, c'est de tout faire pour que
la France accepte d'ouvrir les archives de l'époque. Alors, la vérité sera
connue.
Pour
l'heure, nous ne sommes pas en mesure de vous dire avec précision celui qui a
tué notre premier président.
Professeur, il est vrai que vous
n’êtes pas dans le secret des dieux mais comment peut-on comprendre le fait que
cinquante ans après, l'on n'a pas droit aux archives de la France et qu'il
faille toujours procéder par des hypothèses ?
La loi
française dit clairement que trente (30) ans sont exigibles pour ouvrir une archive.
Mais en cas de dossier sensible relativement au secret défense, ce délai
peut être porté jusqu'à quatre-vingt-dix (90) ans.
Ce qui nous
dérange c'est qu'on considère cette question de l'assassinat d'OLYMPIO comme
secret défense...
H.D.LOGO et A.DOGLO, déférés devant
la justice à la suite de l'affaire dite «des tracts mensongers».
Le procès a eu lieu le 21 septembre
1990 et le jugement devrait être rendu le 05 octobre de la même année. La
suite, on la connaît. Non seulement, la sentence n'est jamais rendue, s'en est
suivi une série d'événements historiques tels que le «coup de semonce» du 05
octobre 1990, la Conférence nationale souveraine, la transition puis les
élections présidentielle et législative de 1993 et 1994.
Avec le recul, doit-on dire que la
Conférence nationale (8 juillet au 26 août 1991) a été une occasion ratée ? Si
oui, elle est ratée pour qui (le peuple ou les leaders de l'opposition)
et par qui (à qui la faute) ?
Sans langue
de bois, la Conférence Nationale Souveraine (CNS) a été une occasion ratée
D'abord,
parce qu'elle a été mal négociée. Vous savez, le fameux accord du 12 juin 1991
entre le Collectif des Organisations Démocratiques (COD) devenu Collectif de l'Opposition Démocratique et le pouvoir en place, bien que ce fut une grande avancée à l'époque,
me semble-t-il, n'a pas défini clairement les objectifs de la Conférence et les
résultats attendus. La preuve en est que pour Eyadema, c'était une tribune pour
rectifier le tir et aboutir à la réconciliation nationale. En aucun cas, il
n'était pas question de bouleverser les structures politiques de l'époque. Mais
pour la classe politique et les délégués, c'est plutôt une tribune pour mettre
à plat les errements du régime d'Eyadema et de le bouter hors du pouvoir. On en
a fait pratiquement un réquisitoire. Le camp du Président s'est désolidarisé de
la Conférence avec les militaires acquis à sa cause et ça a conduit à un fiasco
Mais tout
n'est pas fiasco, il y a aujourd'hui le pluralisme politique, la liberté
d'expression …qui sont des acquis de cette période. Mais, personnellement,
je pense qu'on aurait pu mieux négocier cette Conférence comme ce fut le cas au
Bénin, au Chili, etc.
Au final,
c'est le peuple qui a été le gros perdant.
Professeur, à qui la faute de cet
échec ?
La responsabilité
est bien partagée entre la classe politique, les forces de défense et de
sécurité et les mouvanciers, ceux qui étaient au pouvoir. On me dira que la
responsabilité du peuple aussi est engagée, du fait qu’il avait des délégués présents
à la Conférence. Je répondrai toute suite que non. La majeure partie des délégués
du peuple présente aux travaux de la CNS se laissait orientée par les leaders
politiques de l'opposition comme c'est encore le cas aujourd'hui.
25 janvier 1993, des massacres ont
eu lieu à FREAU JARDIN. Ce qui était annoncé comme un meeting de l'opposition a
tourné au vinaigre.
Tous de blanc vêtus, les mains nues,
des centaines de togolais furent victimes d'une barbarie sans commune mesure.
Nous aurions échappé de justesse à une guerre civile.
Que s'était réellement passé ?
Au sortir de
la CNS, un gouvernement de transition a été mise en place, ainsi que les Hauts
Conseillers de la République (HCR). Mais depuis l'attaque de la Primature de
décembre 1991 assortie par « la capture du PM », la violence s'est instaurée
en maître absolu pendant cette période et celle qui a suivi.
En 1992, il existait une réelle impasse entre le Chef
de l'État, le Gouvernement de transition et le HCR. Les gouvernements français
et allemand intervinrent pour dénouer la situation.
C'est lors
de la présence à Lomé de l'une de leurs émissaires que la classe politique de
l'opposition a voulu procéder à une manifestation pacifique pour appuyer
l'initiative. Mais cela a tourné au vinaigre.
Des éléments
d'une certaine brigade rouge ont tiré sur les manifestants. On a dénombré dix-neuf
(19) morts (bilan établi par Amnesty et confirmé par le procureur de la République
de l'époque M. Yaya)
Conséquence:
exode massif des Loméens vers le Ghana, notamment. C'est pour mettre fin à
cette situation d’exode massif et pour faire revenir la sérénité à Lomé que la
rencontre de Colmar, (initialement prévu pour Strasbourg et reportée sur Colmar)
a eu lieu le 8 février 1993 entre les mouvanciers et les opposants togolais.
Mais cette rencontre a accouché d'une souris. La suite, on la connaît avec les
autres accords qui ont suivi.
Pour plus de
détails sur la question de FREAU JARDIN, se référer au rapport de la CVJR,
pp-192-194.
Merci encore une fois pour la
disponibilité
Je vous en
prie. C'est toujours pour moi un plaisir d'échanger autour de l'histoire
du Togo
Nous espérons toujours vous avoir
plus tard pour faire une projection dans le futur en nous appuyant sur votre
science. Comme le disait si bien SALUSTRE (Guerre de Jugustha), Parmi d'autres
exercices de l'esprit, le plus utile est l'histoire. »
Avec plaisir. Merci et à plus tard.
P.S : Extrait du Discours du Comité insurrectionnel, le 13 janvier
1963 (Annuaire du Togo, 1963-1964 ;Pg.23-24)
« Togolaise Togolais,
Comme vous le savez, la situation économique
et politique de notre jeune État dirigé par une équipe de profiteurs s’était considérablement
détériorée ; depuis l’avènement de cette équipe, la démocratie était
bafouée et remplacée par un paternalisme autoritaire et arrogant. Sur le
plan intérieur, le nombre des chômeurs a augmenté sans cesse. Les salaires des
travailleurs du secteur public comme privé sont bloqués depuis des années. Les jeunes
cadres de la nation sont mal utilisés ; plusieurs d’entres eux (à cause)
de cette situation ont préféré s’expatrier.
Le commerce, activité importante des femmes
togolaises, connaissait jusqu’à présent un véritable déclin.
Nous prisons regorgeaient des détenus
politiques ; (…). Du fait du régime autoritaire défunt, le
bon peuple togolais gémissait impuissant… »
Que vitre Professeur aille reviser les documents et les archives sonores des années 1990.
RépondreSupprimerS'il a peur de dire la vérité qu'il ne ss dise pas Historien du contempirain.