ÉTUDE COMPARATIVE DES BAUX À USAGE PROFESSIONNEL ET D'HABITATION



Le Grand Débat:
 
Q: Ni le code civil, ni le droit OHADA n'ont donné aucun contenu au mot bail. Il ne serait donc pas une vue d'esprit d'affirmer que la notion de bail, juridiquement, n'a pas fait l'objet d'une définition spécifique.
En tant que jeune chercheur, comment peux-tu nous expliquer ce qu'est un bail ?

R: Je dirai pour répondre à votre question que parce que l'art de la définition n'est pas aisé. C'est prendre le risque d'exclure du champ d'application de la loi, certains éléments qui n'étaient pas présents au moment où la loi est élaborée. Et donc le législateur ne veut pas son propre fait s'enfermer  dans un carcan juridique qu'il a lui-même créé. Je pense donc c'est délibérément que le législateur adopte cette attitude.
 Le bail est donc un contrat par lequel une personne donne en location à une autre personne une chose pour que celle-ci en use pendant un certain temps, moyennant le paiement d'un prix : le loyer

Q: Si la notion de bail semble être délibérément ignorée, il en va autrement de ses démembrements.
D'abord, le bail professionnel trouve une place royale à l'article 103 nouveau de l'Acte uniforme portant droit commercial général. Comment est-il défini ?

R: L'article 103 de L'AUDCG, répute bail à usage professionnel, toute convention, écrite ou non, par laquelle une personne investie par la loi ou par une convention, donne à une autre personne physique ou morale, un immeuble ou une partie de celui-ci pour que celle-ci puisse exercer une activité commerciale, artisanale, industrielle ou tout autre activité professionnelle

Q: Qu'en est-il du bail à loyer (sa définition) qui à défaut d'une législation nationale (togolaise) est régi par les dispositions du Code civil notamment son article 1711 ?

R: La définition que donne l'article 1709 porte sur le contrat de louage de choses en général. Ce qui veut dire que cette définition est loin d'être satisfaisante puisqu'elle inclut une multiplicité de baux. On peut tenter néanmoins de définir en disant que c'est le contrat par lequel un propriétaire met à disposition d'un locataire, un immeuble afin que celui-ci y habite.

Q: Une confrontation entre ces baux (bail professionnel et bail d'habitation), c'est ce qui est au menu de nos échanges ce soir et qui dit confrontation entre deux institutions (qui plus sont juridiques) s'attend à une révélation des dissemblances et des ressemblances.
Quelles sont, en réalité, les ressemblances entre ces deux types de baux ?

R: Les deux types de baux, et tous d'ailleurs, répondent en effet d'un même mécanisme. C'est la mise à disposition par le bailleur ou propriétaire d'une chose (immeuble) au profit d'un preneur ou locataire, ceci moyennant le paiement d'une somme d'argent : le loyer. On peut ajouter aussi qu’il pèse sur les parties presque les même droits et obligations.

Q: Que désignez-vous  par mécanisme ?

R: Le même procédé. Celui que j'ai décrit juste après

Q: Ok. Donc au niveau de la formation des deux types de contrats, il n'y a pas une spécificité ?

R: Il me semble qu'aborder la question des spécificités revient à relever les points de divergences. Or tel n'est pas le sens de votre question. Je vous prie de repréciser peut être votre question.

Q: Quelles sont alors les divergences entre ces deux institutions ?

R: D'abord au niveau de l'objet du contrat.
L'un (bail à usage profesionnel) est destiné à exercer une activité professionnelle : commerciale, industrielle..., l'autre c'est pour l'habitation. Le caractère particulier du bail à usage professionnel explique le fait que le législateur ait voulu accorder au preneur (b. professionnel) le droit au renouvellement (art. 123 AUDCG) ce qui n'est pas le cas du bail civil d'habitation. On peut remarquer aussi une différence dans la terminologie on opposera bailleur au propriétaire, le preneur au locataire.
La liste des dissemblances est loin d'être exhaustive. Mais sur le champ voilà ce que je peux relever. On pourra y revenir après.

Q: Éclatons ces deux institutions pour mieux les étudier.
Quelles sont les droits et obligations d'une bailleresse (ou d'un bailleur) envers un preneur (ou une preneuse) quand il s'agit d'un bail professionnel ?

R: Obligations du bailleur :
1-La délivrance des locaux loués conformément aux stipulations contractuelles
2-garantir au preneur une jouissance paisible des lieux. Il ne doit sous aucun prétexte troubler cette jouissance, ni par son propre fait ni par le fait des personnes dont il doit répondre. Il ne garantit cependant pas contre le fait des tiers.
3-l'entretien des lieux: il doit pourvoir aux réparations notamment les grosses réparations par opposition aux réparations d'entretien. Le curement des fosses d'aisance (WC) la réparation du gros mur, des murs du voûte... sont ce qu'il faut entendre par grosses réparations.
 Droit du bailleur : essentiellement celui de percevoir le loyer. Le droit d'être consulté si le locataire entend changer la destination des lieux etc. En gros, parce que c'est un contrat synallagmatique ce qui constitue un droit pour l'un représente un devoir pour l'autre.

Obligations du preneur :
1-      Payer le loyer conformément aux stipulations contractuelles
2-      Jouir des lieux en bon père de famille c’est-à-dire en homme diligent, prudent, et prendre soin du local loué comme s’il s’agissait du sien. En outre il doit respecter la destination des lieux.
3-      Restituer l’immeuble tel qu’il l’avait reçu au moment de la conclusion du contrat sans dégradations sauf si celles-ci sont dues à l’usage normal de la chose.

Q: Sommes-nous en présence d'un bail professionnel ? Juste une simple affirmation ou négation comme réponse afin que je puisse continuer.

R: Oui article 105 et s. AUDCG

Q: Parlant toujours de bail professionnel, le législateur OHADA a prévu des mesures pour protéger la clientèle du preneur (ou preneuse).
Qu'en est-il concrètement (ses manifestations dans l'exécution et surtout la rupture du contrat)?

R: Cela se résume essentiellement au droit au renouvellement du bail qui a été consacré au profit du preneur (art. 123 AUDCG) s'il justifie avoir jouit des lieux en bon père de famille et ce pendant une durée de deux ans minimum.
On peut aussi évoquer la préférence du législateur au profit du bail à durée indéterminée (art 104 al. 3) quand il dit à défaut d'un terme fixé, le bail est réputé à durée indéterminée. Cela dénote de l'intention du législateur à protéger le preneur contre la rupture abusive du contrat de bail ceci dans le but de maintenir la clientèle du preneur. Mais sous prétexte de vouloir protéger le preneur, le législateur protège plutôt l'investissement. Le droit au bail est un élément important au fonds de commerce. On peut parler du respect des délais auxquels le législateur OHADA accorde une importance primordiale.

Q: On attend souvent parler de «fonds de commerce», défini à l'article 135 issu de la réforme du 14 décembre 2010 (OHADA)
En quelques mots, de quoi s'agit-il ?

R: Le fonds de commerce est défini de façon lapidaire par le législateur. En gros c’est un ensemble de moyens permettant d'attirer et de maintenir la clientèle
Mais ce qu'il faut relever c'est que celui est composé d'éléments corporels et incorporels (le droit au bail, les brevets, l’enseigne, le nom commercial, la clientèle, les installations, le stock, …). Et pourtant le législateur a voulu le mettre dans la catégorie des biens meubles incorporels. Ce qui fait dire à certains auteurs que le législateur a tout simplement opéré "un forçage"

Q: Si par le fait d'une baguette magique, le bail professionnel devient un bail d'habitation.
Qu'est-ce qui changera ? (droits et obligations du preneur dans un premier temps puis ceux du bailleur dans un second temps)

R: D'abord s'il y'a changement de la destination des lieux, comme vous le décrivez cher modérateur, le bon sens voudrais que le preneur en informe le bailleur qui peut ou non accepter.
Maintenant au niveau des obligation et droit réciproques, ils sont presque identiques que dans le cas du bail à usage professionnel. Donc au risque de me répéter je vous en ferai l'économie.
Mais notons un certain particularisme. Notamment la sous-location. Dans le bail à usage professionnel la sous-location est sauf stipulations contraire interdite. Ce qui n'est pas forcément le cas dans le bail d'habitation. Sinon l'essentiel des obligations des parties sont quasi identiques dans les deux types de baux.

Q: Une dernière pour la route On remarque qu'au moment de la conclusion de ces contrats, une somme est versée à la bailleresse (bailleur) ou à l'agent immobilier (démarcheur ?)
Elle (la somme) est souvent très forte (parfois jusqu'à 12 mois) et est appelée à tort «caution».
1- Comment devrait-on appeler cette somme ?
2- Cette pratique est-elle légale ? Si oui, existe-t-il un nombre de mois défini (3, 6, 9, 15 ...mois) ?

R: En principe cette somme devrait s'appeler dépôt de garantie et non caution comme c'est le cas dans la pratique. Car la caution est la position d’une personne dans un acte qu’est le contrat de cautionnement, dans ces conditions elle désigne une personne et non une somme d'argent.
La pratique est légale bien entendu. Ce qui est dénoncé c'est l'abus. En matière des baux à usage professionnel, sauf erreur de ma part cette question est laissée aux autorités internes, de légiférer. Mais il se trouve que chez nous il y'a une carence tant législative que règlementaire. Du coup les propriétaires se surprotègent en s'entourant de garanties exorbitantes. C'est scandaleux !  En terme de droit comparé  au Burkina Faso, le dépôt de garantie ne dépasse guère les deux mois de loyer. Qu'est ce qui explique ce particularisme togolais ??Je ne saurais le dire.
Il semble cependant que le nouveau texte tant annoncé mais jamais adopté, veut fixer le montant de la garantie à 3 mois de loyer plus 3 mois d'avance. Ce qui fait un total de 6 mois. Même si ce n’est pas ça encore, c'est une avancée. Elle vaut ce qu'elle vaut.
Donc Vivement ce texte !

Q: Ainsi se referme le Grand Débat de ce soir.
Merci au seul invité, Primos GANGBAZO, Chercheur en droit privé.
Merci également au Conseil des Administrateurs qui nous a accordé 45 minutes supplémentaires. Ne sont pas oubliés, les membres du Groupe sans exception aucune.

R: Merci cher grand modérateur du jour, Abel.
Lacordaire disait "Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c'est la liberté qui opprime, la loi qui affranchi". Donc vivement cette loi qui nous affranchira du joug de la servitude.
Merci à tous.

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