La liberté contactuelle dans le contrat de franchise
La conclusion des
contrats est nécessaire à l’exercice d’une activité. On ne conçoit pas qu’un
entrepreneur puisse mener ses activités professionnelles sans conclure des contrats. S’il n’y a aucune obligation de
contracter, nul doute que la possibilité de contracter sera fort utile à
l’entrepreneur. S’il existe un domaine dans lequel cette liberté
s’exprime de la plus belle des manières, c’est bien dans le contrat de franchise.
La présente analyse sur la thématique de la liberté
contractuelle dans le cadre du contrat de franchise, s’inscrit dans cette
dynamique.
Le contrat de franchise
est un contrat par lequel le franchiseur accorde à ses franchisés le droit
d’exploiter un savoir-faire, à charge pour ces derniers de payer un droit
d’entrée et des redevances périodiques et de respecter les exigences
commerciales imposées par son franchiseur. Il s’agit d’une technique
contractuelle par laquelle des revendeurs, prestataires de services ou
fabricants traitent avec les propriétaires des signes distinctifs (enseignes et marques), détenteurs d’un
savoir-faire technique et ou commercial afin d’obtenir de lui la communication
permanente de ce savoir-faire, une assistance commerciale ou technique, et le
droit d’utiliser ses signes distinctifs. Le contrat de franchise ainsi définit
appelle une observation. La nécessité d’un transfert de savoir-faire. Celui-ci
est en effet, déterminant dans un contrat de franchise et permet de le
distinguer d’autres institutions voisines telles le contrat de licence ou de
concession. Faute de savoir-faire, le contrat de franchise est nul, pour absence de
cause[1], ou dol, ou encore
purement et simplement requalifié. Cependant la liberté contractuelle dans le
cadre d’un contrat de franchise étant l’objet de la présente étude la question
des éléments de qualification de ce contrat sera moins abordée ici. La liberté contractuelle quant à elle,
conséquence de l’autonomie de la volonté se décompose, nous le savons tous, en
trois « sous-libertés » : la liberté de contracter ou de ne pas contracter, la liberté de choisir
son contractant, la liberté de déterminer le contenu du contrat.
Le contrat de franchise
encore appelé aussi de contrat de franchisage est issu de la pratique
américaine. Ses origines se trouvent dans le développement de l’industrie
automobile sous l’effet de la législation anti-trust prohibant la vente directe
des véhicules par les constructeurs aux utilisateurs. Le concept sera
systématisé plus tard par la doctrine française. Aujourd’hui, le contrat de
franchise connaît un développement remarquable.
La réflexion ainsi envisagée parait intéressante à plusieurs égards. D’abord
l’étude du contrat de franchise en elle-même peut se révéler à la fois passionnante
et déroutante. Intéressante en raison de la richesse de l’institution sur le
plan juridique. Déroutante du fait de la complexité de son régime juridique. Mais
la perspective de l’exploration d’une discipline où semble avoir émergé ce que
l’on pourrait qualifier de droit conventionnel, titille bien plus notre curiosité.
La liberté contractuelle intéresse
aussi au premier chef l’activité de l’entrepreneur. Le contrat est en effet
l’acte juridique le plus courant du commerce et de l’industrie puisqu’il permet
les échanges. On peut donc dire que la liberté contractuelle a une finalité
économique.
Il convient
dès lors de poser la question de l’étendue de cette liberté contractuelle dans
le contrat de franchise ?
Le champ
d’application, et d’implication, du droit de la distribution est vaste,
poussant ses incursions dans des domaines qui relèvent du droit civil,
tel que le droit des contrats ou la protection des consommateurs, tout autant
que dans les domaines du droit commercial privé et de la réglementation de la
concurrence au plan interne. Cela dit si la liberté contractuelle semble avoir
trouvé son terrain de prédilection dans le contrat de franchise (I), cette
liberté demeure doublement encadrée(II)
- Le contrat de franchise, terreau de la liberté contractuelle
Cette
liberté se manifeste à plusieurs niveaux dans le cadre du contrat de franchise
(B), mais avant d’en parler intéressons-nous
aux fondements (A)
- Les fondements de l’émergence d’un droit conventionnel
Les raisons de
l’émergence d’une telle liberté contractuelle sont légions. Tout part du
principe kantien de l’autonomie de la volonté. Celui-ci érige en effet, la
volonté de l’homme comme source créatrice du droit et d’obligation. Cette
théorie va dès lors influencer les rédacteurs du code civil de 1804 et trouvera
sa consécration sous la bannière de l’ancien article 1134[2]. Ce texte dispose en ces
termes : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux
qui les ont faites. » Dès lors cette théorie va induire le principe de la
liberté contractuelle qui en sera le corollaire immédiat. Et même si cette théorie
a essuyé des critiques virulentes de la part des tenants d’autres courants de pensée[3], elle gouverne la quasi-totalité
du droit positif des contrats.
Mais les véritables
raisons du plein épanouissement de la liberté contractuelle dans le contrat de
franchise tiennent beaucoup plus à la spécificité de la matière plutôt qu’à
autre chose. Faut-il le rappeler le
contrat de franchise est un contrat innommé conformément à l’article 1105[4] du code civil. Or qui dit
contrat innommé dit absence de règlementation légale spécifique. Fruit de la
liberté contractuelle, issu de la pratique commerciale, de « l’anxiété conquérante mais désordonnée des
gens d’affaires[5] »,
le contrat de franchise est l’un des rares domaines totalement abandonné aux
bons vouloirs des parties. N’en déplaise aux solidaristes[6]. Ici les velléités
individuelles sont encouragées mieux, ont force de loi.
Il n’existe pas de
législation française sur la franchise. Un règlement d’exemption émanant de la
communauté européenne, en date du 30 novembre 1988 y était toutefois consacré.
Cependant, depuis le 14 juin 2000 la franchise n’a plus de régime juridique
particulier en droit communautaire européen et se trouve simplement soumise au régime
des « accords verticaux[7] ». On comprend donc
au regard des précédents développements que le législateur a pris le pari de ne
pas intervenir directement pour légiférer en matière de franchise. C’est
pourquoi la réglementation légale du contrat de franchise est pratiquement
inexistante. Nous sommes ici en réalité dans un domaine de liberté
contractuelle par excellence.
Le tableau ainsi présenté,
on peut dès lors comprendre que les
sources du droit de la franchise soient aussi variées que diverses. Le contrat
peut aussi bien relever du droit commercial que du droit pénal. Se pose alors
la question du l’harmonisation de ce droit. C’est la jurisprudence qui, au fil
des années, a permis d’affiner les contours du cadre juridique de la franchise.
Le contentieux de la franchise est habituellement porté devant les tribunaux de
commerce. Mais les thèmes souvent abordés devant ces juges étant récurrents
(violation des obligations d’exclusivité, non-respect de l’obligation précontractuelle
d’information, contestations relatives à la substance du savoir-faire, à
l’assistance, non-respect du concept,…) on retrouve quand même une certaine
cohérence et unité des décisions rendues en première instance. Les juges
d’appel par leur office assurent eux aussi une certaine unité d’interprétation.
Parce que compétentes pour tous les litiges qui touchent aux droits de
propriété intellectuelle, éléments fondamentaux de la relation de franchise,
les juridictions civiles apportent également leur fanal à l’éclairage de ce
droit. Les décisions de jurisprudence se
proposent de donner des réponses à des questions qui ne sont pas véritablement
tranchées par ce que l’on appelle « le droit positif ». La
jurisprudence de la cour européenne tient également une place importante, sinon
essentielle, dans la construction du droit de la franchise. Notons que la cour
de justice qui intervient en droit de la
concurrence, de la distribution et de la consommation, a apporté une
contribution fondamentale à l’uniformisation de ce droit. L’autre dimension qui
ne saurait échapper à l’analyse de la situation c’est qu’en droit de la
distribution et plus généralement en matière d’affaire les parties préfèrent ne
pas porter leurs différends devant les juridictions de droit commun. Ils
recourent dans bien des cas aux Modes Alternatifs de Résolution de Conflits
(MARC)[8]. C’est ce qui explique le
fait qu’une partie non négligeable des décisions rendues en matière de litiges
entre franchisés et franchiseurs demeure inconnue et inaccessible au public et
aux praticiens car elle est, par convention, dévolue aux juridictions
arbitrales. Notons que bien souvent, les sentences rendues par les cours
arbitrales, ménageant la chèvre et le chou, constituent davantage des «
arrangements » négociés plutôt que des décisions de référence participant à la
construction du droit de la franchise.
Le
décor ainsi planté, il convient de voir la manifestation de cette liberté tout
au long de la vie du contrat.
Conçue comme « l’âme du contrat [9]», la liberté contractuelle
a d’ailleurs récemment été consacrée par
le Conseil constitutionnel comme principe à valeur constitutionnelle[10]. Elle jalonne tout le
processus de formation du contrat jusqu’à son extinction en passant par sa vie.
Déjà au stade des
pourparlers celle-ci est présente. Quoi de plus normal puisque ceux-ci ne sont
qu’en fait une simple invitation à entrer en négociation et n’engagent les
parties à rien. Donc liberté de conclure ou de rompre à tout moment. Mais
attention, la rupture fautive ou abusive des pourparlers est sanctionnée. La
situation parait d’autant plus qu’intéressante quand on sait qu’au cours de
cette période les parties peuvent
s’échanger des informations confidentielles au nom de l’obligation légale
d’information. Généralement c’est le franchiseur qui transmet au franchisé,
deux documents : le document d’informations précontractuelles, et le projet
de contrat le second étant contenu dans le premier. Rappelons-le, le contrat de
franchise implique la réitération d’un savoir-faire et donc il est fort à
craindre que les documents transmis contiennent des informations que le
franchiseur préfère garder secret. Pour parer à une éventuelle fuite d’information,
il est généralement recommandé de faire signer au candidat franchisé un contrat de confidentialité. Et même en
l’absence d’une clause de confidentialité, l’ex-candidat à la franchise a
l’interdiction d’utiliser les informations communiquées lors des pourparlers
notamment lorsqu’il s’agit d’éléments relatifs au savoir-faire. La
jurisprudence considère en effet qu’il commettrait un acte de concurrence
déloyale ou du parasitisme constitutif d’une faute délictuelle. Cette
protection cependant cesse lorsque le procédé tombe dans le domaine public ou
devient tout simplement banal.
En droit des obligations,
le contractant est libre de choisir son cocontractant. Cela est aussi valable
en droit de la distribution. Dans un contrat de distribution il n’est pas rare
de stipuler une clause d’agrément en cas de cession de contrat. La
jurisprudence affirme avec netteté, dans le cas du contrat de franchise, que le
contrat est conclu en considération de la personne du franchiseur[11]. Il nous semble aussi que
l’intuitu personae soit bilatéral en
ce sens que les qualités du franchisé et celles du franchiseur sont
essentielles.
Pendant toute la vie du
contrat celui-ci sera ainsi marqué du sceau de la liberté contractuelle. Il en
va ainsi même à la fin du contrat. Celle-ci a diverses causes. Elles peuvent
être ordinaires : l’arrivée du terme, la résiliation unilatérale lorsque le
contrat est conclu sans terme ou encore la résiliation bilatérale. L’extinction
du contrat peut encore résulter de circonstances extraordinaires. Sont des
causes d’extinction extraordinaires la résiliation du contrat pour inexécution,
la survenance d’un cas de force majeure, l’exécution de la clause de hardship ou encore l’atteinte portée à l’intuitu personae.
Intéressons-nous aux
causes d’extinction ordinaires. L’arrivée du terme vient mettre fin au contrat
de franchise. Cette limitation de la durée du contrat de franchise s’explique
par son économie.[12] Cela s’explique aussi par
le fait que le contrat de franchise contient souvent des obligations, telle que
l’obligation d’exclusivité dont la limitation dans la durée est une condition
indispensable de validité[13]. Il met fin au contrat de
franchise pour l’avenir, sans remettre en cause les effets que le contrat a
valablement produit dans le passé. En effet, en l’absence de clause de
renouvellement, chacune des parties retrouve sa liberté contractuelle à
l’échéance du terme. Aucune d’elles ne bénéfice d’un droit au renouvellement du
contrat expiré à l’échéance.[14] La jurisprudence
considère que le refus de renouvellement du contrat à son terme ne constitue
pas un abus mais l’exercice d’un droit de ne pas contracter[15]. Le principe est donc le
prima de la liberté contractuelle.[16]
Si généralement, les
contrats de franchise sont conclus pour une durée déterminée, rien n’empêche
qu’ils puissent être conclus sans durée. Les parties peuvent librement ne pas
fixer un terme extinctif de leur relation contractuelle et conclure un contrat
non limité dans le temps. Dans ce cas, le principe est la résiliation
unilatérale. Le franchiseur et le franchisé liés par un contrat de franchise à
durée indéterminée peuvent alors librement et unilatéralement rompre leur
contrat chaque fois qu’ils jugent opportun de dénouer le lien qu’ils avaient
noué[17]. Chacun d’entre eux
dispose, en cela, d’un droit de résiliation unilatérale[18], sous réserve de ne pas
abuser de son droit et de respecter un délai de préavis. Ce droit de
résiliation unilatérale, doté désormais d’une valeur constitutionnelle[19] et ayant un caractère
d’ordre public[20],
se justifie par le principe de la prohibition des engagements perpétuels.[21]
Au
nom de cette même liberté, les parties peuvent décider de ne pas attendre l’arrivée
du terme de leur contrat. Elles peuvent mettre fin à cette convention comme le
préconisait d’ailleurs l’ancien article 1134 : « …Elles ne
peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que
la loi autorise...» ."Pas de juge, pas d’avocat, on se serre virilement la main et on se dit :
adieu camarade".[22]
La liberté contractuelle ainsi magnifiée
tout au long du contrat de franchise témoigne ainsi de richesse et de la
souplesse de cette institution. Mais elle peut entrer en confrontation et mettre
en péril d’autres principes du droit si celle-ci n’était pas surveillée.
Nous sommes ici certes,
dans un domaine où la liberté contractuelle est portée au pinacle, mais que
serait-elle si elle n’était pas encadrée ? Rappelons-nous cette célébre formule
de Lacordaire: « Entre le fort et le faible …, c’est la liberté qui
opprime, et la loi qui affranchit». Aussi est-elle doublement surveillée. D’une
part par le droit civil des obligations (A), et par le droit de la concurrence
d’autre part(B).
- Les limites traditionnelles fixées par la théorie générale des obligations
Au commencement était le code civil et le code civil était et
demeure le soubassement de tous les contrats. Tous les contrats existent par
lui et aucun deux n’aurait existé sans lui, c’est-à-dire en totale méconnaissance des règles générales qu’il impose.
En effet, l’article 1105 du code civil énonçait déjà : «Les contrats,
qu’ils aient ou non une dénomination propre, sont soumis à des règles
générales, qui sont l’objet du présent sous-titre… ». Or le contrat de
franchise fait partie de la catégorie juridique des contrats innomés. Donc il
va sans dire que celui-ci est soumis d’abord aux règles du droit commun des
contrats. Même si les parties le désirent, leur convention ne saurait prendre
corps si celle-ci ne se soumet aux conditions posées par le code civil à
savoir : le consentement des parties ; leur capacité de contracter ; un
contenu licite et certain (Art. 1028 c. civ.).[23] Premier constat d’échec
de la liberté contractuelle.
Si l’on devrait faire une
lecture erronée de l’ancien article 1134 du code civil, l’on pourrait tout
suite croire que celui-ci chante un véritable hymne à la liberté voire au
libertinage. Mais attention à ne pas tirer des conclusions péremptoires. Cette
lecture devrait s’éclairer des dispositions de l’ancien article 6 du code
civil. Désormais le nouvel article 1102 fait mieux en ce que celui-ci fusionne ces deux
articles précités en un. Le nouveau texte s’énonce en des termes
suivants : « Chacun est libre de contracter ou de ne pas contracter,
de choisir son cocontractant et de déterminer le contenu et la forme du contrat
dans les limites fixées par la loi. La liberté contractuelle ne permet pas de
déroger aux règles qui intéressent l’ordre public ». A l’évidence la
liberté contractuelle ne pourrait conduire à la conclusion des contrats qui
bafouerait l’ordre public. En d’autres termes, la liberté contractuelle
s’arrête là où commence l’ordre public. Il semble en revanche que le nouvel
article ne tienne pas compte de la notion de bonnes mœurs autrefois contenue
dans l’article 6 précité. Cette notion apparaît en effet désuète au regard de
l’évolution de la société, et la jurisprudence l’a progressivement abandonnée
au profit de la notion d’ordre public dont elle n’a eu de cesse de développer
le contenu.
En se référant aussi à
l’article 1103 du code civil qui reprend d’ailleurs l’al. 1er de
l’ancien article 1134 l’on pourra arguer que le contrat même s’il est le fruit
de la volonté des parties, celui-ci ne tire pas sa force uniquement de ladite
volonté car si les conventions tiennent lieu de loi aux parties c’est sous
réserve qu’elles soient légalement formées.
Enfin, au-delà des
limites classiques connues[24] la liberté contractuelle de
l’une des parties peut être sérieusement limitée en ce sens que le contrat de
franchise s’apparente à un contrat d’adhésion entre le franchiseur et le franchisé.
Il y a des chances que ce dernier subisse le contrat, au lieu de le vouloir.
La théorie générale des
obligations ne serait d’ailleurs pas la seule à porter des coups de boutoir à
la liberté contractuelle. Elle connait aussi de sérieuses atteintes dans
certaines matières spécifiques dont, entre autre, le droit de la concurrence avec
laquelle elle se bat pour survivre.
Si la liberté
contractuelle est « l’âme du contrat » [25] de franchise il ne faut
pas perdre de vue que celle-ci connait des tempéraments, lesquels sont dûs aux
exigences du droit de la concurrence. En réalité, la
liberté laissée aux opérateurs professionnels pour s’associer entre eux et
organiser les circuits de distribution trouve sa limite dans le contrôle de la concurrence
exercé de façon croissante par les pouvoirs publics au travers d’une
réglementation visant à réduire les pratiques de concertation (ententes) et à
réduire les abus (discriminations, abus de position dominante, concurrence
déloyale).
L’intervention de l’État
pour contrôler les circuits de distribution,
se fait non seulement, au nom de l’ordre public de direction constitué
par les règles au moyen desquelles l’État influence l’économie ; mais encore au
nom d’un certain ordre public de protection
par lequel le législateur entend protéger la partie la plus faible au
contrat.
Certaines
pratiques peuvent être considérées comme discriminatoires et abusives.
L’égalité dans la concurrence étant le gage de la liberté de concurrence, il est
important de préserver cette égalité. Parlant de la liberté de choisir, le
franchiseur est en droit de choisir
librement son cocontractant et d’écarter les candidats qui ne lui paraissent
pas remplir les conditions professionnelles qu’il exige. Le refus d’accorder la
franchise à un candidat qui pourtant répond aux critères de sélection, doit
être objectivement justifié. Il ne saurait être discriminatoire. La clause d’exclusivité
territoriale est la clause par laquelle le franchiseur s’engage à ne pas
accorder de franchise et à ne pas installer par lui-même un magasin dans la
zone territoriale du franchisé. Cela suppose de la part du franchiseur un
renoncement à concurrencer, par quelque manière que ce soit, son franchisé sur
le territoire qu’il lui a dédié c’est-à-dire sa zone de chalandise. Même si
l’exclusivité territoriale n’est pas de l’essence du contrat de franchise, rien
n’interdit aux parties de la prévoir. Elle peut revêtir un caractère
discriminatoire puisqu’elle suppose qu’en dehors du franchisé nul autre ne peut
bénéficier de cet avantage. Ce faisant, elle (la clause d’exclusivité) offre à
son bénéficiaire un avantage concurrentiel non négligeable car elle est de
nature à rompre une certaine égalité. Aussi est-elle d’interprétation stricte.
L’exclusivité territoriale est licite au regard du droit de la concurrence si
elle ne conduit pas à un verrouillage du marché. Elle ne doit en aucun cas
entraver toute concurrence.
La
clause d’exclusivité d’approvisionnement exclusif par contre est inhérente au
contrat de franchise. Pour être licite, elle doit être nécessaire au maintien
de l’identité commune et à la réputation du réseau du franchisé et sa durée
arrimée sur celle du contrat de franchise. Il faut dire que les autorités de
concurrence voient d’un mauvais œil la clause d’approvisionnement exclusif
surtout si celui-ci est de longue durée. La cour de justice a jugé, à plusieurs
reprises, que des accords d’achat exclusif n’étaient pas de nature à
restreindre le jeu normal de la concurrence[26]. Si la clause porte sur
les produits ou accessoires, la jurisprudence est plus restrictive. Une telle
obligation doit être justifiée par le savoir-faire ou le maintien de l’identité
du réseau et le franchisé doit être libre d’acquérir ces matériels auprès
d’autres fournisseurs s’ils «peuvent être décrits par des caractéristiques
objectives».[27]
Il en va de même pour la clause de non-concurrence, considérée comme normale
après la fin ou la rupture du contrat mais devrait être objectivement justifiée
et surtout limitée dans le temps.
Somme
toute, le droit de la concurrence ensemble avec le droit commun des contrats se
proposent d’être le gendarme d'un domaine qui ressemblerait à ce que l’on
pourrait appeler « no-law’s-land ».
La franchise est bien un système de distribution qui offre une souplesse
remarquable, mais qui, par ses implications et sa polyvalence, dépend d’un
régime juridique complexe. Aussi puissante que soient les volontés
individuelles, celles-ci cèdent le pas face aux règles qui débordent de la
protection des seuls intérêts privés des parties. D’ailleurs la liberté
contractuelle n’a jamais été absolue. Elle rentre souvent en heurt avec des
règles générales et certaines particulières mais jamais l’économie n’a cessé d’être
libérale. Si la liberté contractuelle permet de rendre le contrat de franchise
plus malléable, ce qui peut militer en faveur de son attractivité, attention
cependant à ne pas froisser l’ordre public concurrentiel encore moins le droit
commun des contrats.
©Par
Primos E. GANGBAZO, Master Droit privé fondamental
[1] Com. 10
dec. 2013, n° 12-23115
[2] Ce texte
est désormais prévu à l’article 1103 depuis le 1er Octobre 2016 date
d’entrée en vigueur de la reforme
[3] Théorie
du solidarisme contractuel et celle de l’utile et du juste.
[4] Ancien
article 1107 c. civ.
[5] J.-M. LELOUP,
La création des contrats par la pratique commerciale, in L’évolution
contemporaine du droit des contrats, PUF, 1986, p.167
[6] Duguit,
Saleilles, Demogues etc.
[7]
Règlement UE n° 330 du 20 Avril 2010 sur les restrictions verticales.
[8] Arbitrage,
conciliation, médiation, négociation…
[9] G.
ROUHETTE, La force obligatoire du contrat : Rapport français, in Le contrat
aujourd’hui : comparaisons Franco-Anglaises, sous la dir. D. Tallon et D.
Harris, LGDJ 1987, p. 28, n° 2.
[10] Cons.
const., 13 juin 2013, 2013-672 DC
[11] Com. 3
juin 2008, deux arrêts, JCP 2008. II. 10154, note Hovasse, RTD Civ 2008. 478,
note Fages.
[12] L’économie
du contrat peut renvoyer aussi bien à la structure qu’au contenu du contrat ou
au but commun des contractants ou enfin à l’équilibre contractuel. Sur cette
notion, v. S. PIMONT, L’économie du
contrat, PUAM, 2004, préface J. Beauchard.
[14] M.
MALAURIE-VIGNAL, Droit de la distribution, Sirey, 2006, n° 651, p.177 et s
[15] Cass.
com., 5 juillet 1994, pourvoi n° 92-17918 ; Contrats. conc. consom 1994, n°
219, comm. L. LEVENEUR. CA Paris 12 janvier 2005, LPA, 8 décembre 2005, n° 44,
p.9, note. Y. MAROT
[16] V. D.
MAZEAUD, La politique contractuelle de la Cour de cassation, in Libres propos
sur les sources du droit, Mélanges. Ph. Jestaz, Dalloz, 2006, p. 371
[17] M.
BEHAR-TOUCHAIS et G. VIRASSAMY, Les contrats de la distribution, LGDJ, 1999, n°
332, p. 151 ;
[18] J.
MESTRE, Résiliation unilatérale et non -renouvellement dans les contrats de
distribution, op.cit, p.19
[19] Cons-const
9 novembre 1999, déci n° 99 - 419 DC, JO 16 novembre 1999, p.16962
[20] J.
AZEMA, La durée des contrats successifs, LGDJ, préface R. Nerson, n°192, p.153.
[21] Ibid.
[22] P.-Y.
GAUTIER, Rapport de synthèse, in La cessation des relations contractuelles
d’affaires, PUAM 1997, p. 215, et spéc., n° 8, p. 221, et s.
[23] Ancien
art. 1108
[24]
Des cas où le contrat est imposé par le législateur (Ex., tout conducteur d’un véhicule terrestre à moteur
doit souscrire un contrat d’assurance couvrant les dommages susceptibles d’être
causés aux tiers par ce véhicule). Dans d’autres hypothèses, le contenu du
contrat est largement imposé par le législateur. C’est le cas du bail commercial. Parfois, c’est le
cocontractant qui est imposé par le législateur. Tel est le cas du droit de
préemption existant entre les coïndivisaires en cas de cession par l’un d’entre eux de ses droits sur le
bien indivis (article 815-14 C. civ.). La liberté contractuelle peut aussi être
réduite par l’interdiction de certaines clauses ; tel est le cas de
l’interdiction des clauses abusives résultant de la loi du 10 janvier 1978 en France.
[25] Op.
cit.
[26] CJCE 28
fevrier 1991 C-234/89, Delimitis; CJCE, Ord., 3 septembre 2009, C-506/07,
Lubricantes y Carburantes Galacios
[27] Cons.
Conc. Déciss. n° 99-D-49, 6 juillet 1999, Y. Rocher.
Pure délice ! Merci pour ce moment.
RépondreSupprimerTrès captivant, bravo
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