La liberté contactuelle dans le contrat de franchise


La conclusion des contrats est nécessaire à l’exercice d’une activité. On ne conçoit pas qu’un entrepreneur puisse mener ses activités professionnelles sans conclure des contrats. S’il n’y a aucune obligation de contracter, nul doute que la possibilité de contracter sera fort utile à l’entrepreneur. S’il existe un domaine dans lequel cette liberté s’exprime de la plus belle des manières, c’est bien dans le contrat de franchise.

La présente analyse sur la thématique de la liberté contractuelle dans le cadre du contrat de franchise, s’inscrit dans cette dynamique.

Le contrat de franchise est un contrat par lequel le franchiseur accorde à ses franchisés le droit d’exploiter un savoir-faire, à charge pour ces derniers de payer un droit d’entrée et des redevances périodiques et de respecter les exigences commerciales imposées par son franchiseur. Il s’agit d’une technique contractuelle par laquelle des revendeurs, prestataires de services ou fabricants traitent avec les propriétaires des signes distinctifs  (enseignes et marques), détenteurs d’un savoir-faire technique et ou commercial afin d’obtenir de lui la communication permanente de ce savoir-faire, une assistance commerciale ou technique, et le droit d’utiliser ses signes distinctifs. Le contrat de franchise ainsi définit appelle une observation. La nécessité d’un transfert de savoir-faire. Celui-ci est en effet, déterminant dans un contrat de franchise et permet de le distinguer d’autres institutions voisines telles le contrat de licence ou de concession. Faute de savoir-faire, le contrat de franchise est nul, pour absence de cause[1], ou dol, ou encore purement et simplement requalifié. Cependant la liberté contractuelle dans le cadre d’un contrat de franchise étant l’objet de la présente étude la question des éléments de qualification de ce contrat sera moins abordée ici.  La liberté contractuelle quant à elle, conséquence de l’autonomie de la volonté se décompose, nous le savons tous, en trois « sous-libertés » : la liberté de contracter ou  de ne pas contracter, la liberté de choisir son contractant, la liberté de déterminer le contenu du contrat.

Le contrat de franchise encore appelé aussi de contrat de franchisage est issu de la pratique américaine. Ses origines se trouvent dans le développement de l’industrie automobile sous l’effet de la législation anti-trust prohibant la vente directe des véhicules par les constructeurs aux utilisateurs. Le concept sera systématisé plus tard par la doctrine française. Aujourd’hui, le contrat de franchise connaît un développement remarquable.

La réflexion ainsi envisagée parait intéressante à plusieurs égards. D’abord l’étude du contrat de franchise en elle-même peut se révéler à la fois passionnante et déroutante. Intéressante en raison de la richesse de l’institution sur le plan juridique. Déroutante du fait de la complexité de son régime juridique. Mais la perspective de l’exploration d’une discipline où semble avoir émergé ce que l’on pourrait qualifier de droit conventionnel, titille bien plus notre curiosité.

La liberté contractuelle intéresse aussi au premier chef l’activité de l’entrepreneur. Le contrat est en effet l’acte juridique le plus courant du commerce et de l’industrie puisqu’il permet les échanges. On peut donc dire que la liberté contractuelle a une finalité économique.

Il convient dès lors de poser la question de l’étendue de cette liberté contractuelle dans le contrat de franchise ?

Le champ d’application, et d’implication, du droit de la distribution est vaste, poussant ses incursions dans des domaines qui relèvent du droit civil, tel que le droit des contrats ou la protection des consommateurs, tout autant que dans les domaines du droit commercial privé et de la réglementation de la concurrence au plan interne. Cela dit si la liberté contractuelle semble avoir trouvé son terrain de prédilection dans le contrat de franchise (I), cette liberté demeure doublement encadrée(II)





  1. Le contrat de franchise, terreau de la liberté contractuelle

Cette liberté se manifeste à plusieurs niveaux dans le cadre du contrat de franchise (B), mais avant d’en parler intéressons-nous aux fondements (A)

  1. Les fondements de l’émergence d’un droit conventionnel

Les raisons de l’émergence d’une telle liberté contractuelle sont légions. Tout part du principe kantien de l’autonomie de la volonté. Celui-ci érige en effet, la volonté de l’homme comme source créatrice du droit et d’obligation. Cette théorie va dès lors influencer les rédacteurs du code civil de 1804 et trouvera sa consécration sous la bannière de l’ancien article 1134[2]. Ce texte dispose en ces termes : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. » Dès lors cette théorie va induire le principe de la liberté contractuelle qui en sera le corollaire immédiat. Et même si cette théorie a essuyé des critiques virulentes de la part des tenants  d’autres courants de pensée[3], elle gouverne la quasi-totalité du droit positif des contrats.

Mais les véritables raisons du plein épanouissement de la liberté contractuelle dans le contrat de franchise tiennent beaucoup plus à la spécificité de la matière plutôt qu’à autre chose.  Faut-il le rappeler le contrat de franchise est un contrat innommé conformément à l’article 1105[4] du code civil. Or qui dit contrat innommé dit absence de règlementation légale spécifique. Fruit de la liberté contractuelle, issu de la pratique commerciale, de «  l’anxiété conquérante mais désordonnée des gens d’affaires[5] », le contrat de franchise est l’un des rares domaines totalement abandonné aux bons vouloirs des parties. N’en déplaise aux solidaristes[6]. Ici les velléités individuelles sont encouragées mieux, ont force de loi.

Il n’existe pas de législation française sur la franchise. Un règlement d’exemption émanant de la communauté européenne, en date du 30 novembre 1988 y était toutefois consacré. Cependant, depuis le 14 juin 2000 la franchise n’a plus de régime juridique particulier en droit communautaire européen et se trouve simplement soumise au régime des « accords verticaux[7] ». On comprend donc au regard des précédents développements que le législateur a pris le pari de ne pas intervenir directement pour légiférer en matière de franchise. C’est pourquoi la réglementation légale du contrat de franchise est pratiquement inexistante. Nous sommes ici en réalité dans un domaine de liberté contractuelle par excellence.

Le tableau ainsi présenté, on peut dès  lors comprendre que les sources du droit de la franchise soient aussi variées que diverses. Le contrat peut aussi bien relever du droit commercial que du droit pénal. Se pose alors la question du l’harmonisation de ce droit. C’est la jurisprudence qui, au fil des années, a permis d’affiner les contours du cadre juridique de la franchise. Le contentieux de la franchise est habituellement porté devant les tribunaux de commerce. Mais les thèmes souvent abordés devant ces juges étant récurrents (violation des obligations d’exclusivité, non-respect de l’obligation précontractuelle d’information, contestations relatives à la substance du savoir-faire, à l’assistance, non-respect du concept,…) on retrouve quand même une certaine cohérence et unité des décisions rendues en première instance. Les juges d’appel par leur office assurent eux aussi une certaine unité d’interprétation. Parce que compétentes pour tous les litiges qui touchent aux droits de propriété intellectuelle, éléments fondamentaux de la relation de franchise, les juridictions civiles apportent également leur fanal à l’éclairage de ce droit. Les décisions de jurisprudence  se proposent de donner des réponses à des questions qui ne sont pas véritablement tranchées par ce que l’on appelle « le droit positif ». La jurisprudence de la cour européenne tient également une place importante, sinon essentielle, dans la construction du droit de la franchise. Notons que la cour de justice  qui intervient en droit de la concurrence, de la distribution et de la consommation, a apporté une contribution fondamentale à l’uniformisation de ce droit. L’autre dimension qui ne saurait échapper à l’analyse de la situation c’est qu’en droit de la distribution et plus généralement en matière d’affaire les parties préfèrent ne pas porter leurs différends devant les juridictions de droit commun. Ils recourent dans bien des cas aux Modes Alternatifs de Résolution de Conflits (MARC)[8]. C’est ce qui explique le fait qu’une partie non négligeable des décisions rendues en matière de litiges entre franchisés et franchiseurs demeure inconnue et inaccessible au public et aux praticiens car elle est, par convention, dévolue aux juridictions arbitrales. Notons que bien souvent, les sentences rendues par les cours arbitrales, ménageant la chèvre et le chou, constituent davantage des « arrangements » négociés plutôt que des décisions de référence participant à la construction du droit de la franchise.

Le décor ainsi planté, il convient de voir la manifestation de cette liberté tout au long de la vie du contrat.


B- Les manifestations de la liberté contractuelle dans le contrat de franchise

Conçue comme «  l’âme du contrat [9]», la liberté contractuelle a d’ailleurs récemment été consacrée  par le Conseil constitutionnel comme principe à valeur constitutionnelle[10]. Elle jalonne tout le processus de formation du contrat jusqu’à son extinction en passant par sa vie.

Déjà au stade des pourparlers celle-ci est présente. Quoi de plus normal puisque ceux-ci ne sont qu’en fait une simple invitation à entrer en négociation et n’engagent les parties à rien. Donc liberté de conclure ou de rompre à tout moment. Mais attention, la rupture fautive ou abusive des pourparlers est sanctionnée. La situation parait d’autant plus qu’intéressante quand on sait qu’au cours de cette période  les parties peuvent s’échanger des informations confidentielles au nom de l’obligation légale d’information. Généralement c’est le franchiseur qui transmet au franchisé, deux documents : le document d’informations précontractuelles, et le projet de contrat le second étant contenu dans le premier. Rappelons-le, le contrat de franchise implique la réitération d’un savoir-faire et donc il est fort à craindre que les documents transmis contiennent des informations que le franchiseur préfère garder secret. Pour parer à une éventuelle fuite d’information, il est généralement recommandé de faire signer au candidat franchisé  un contrat de confidentialité. Et même en l’absence d’une clause de confidentialité, l’ex-candidat à la franchise a l’interdiction d’utiliser les informations communiquées lors des pourparlers notamment lorsqu’il s’agit d’éléments relatifs au savoir-faire. La jurisprudence considère en effet qu’il commettrait un acte de concurrence déloyale ou du parasitisme constitutif d’une faute délictuelle. Cette protection cependant cesse lorsque le procédé tombe dans le domaine public ou devient tout simplement banal.

En droit des obligations, le contractant est libre de choisir son cocontractant. Cela est aussi valable en droit de la distribution. Dans un contrat de distribution il n’est pas rare de stipuler une clause d’agrément en cas de cession de contrat. La jurisprudence affirme avec netteté, dans le cas du contrat de franchise, que le contrat est conclu en considération de la personne du franchiseur[11]. Il nous semble aussi que l’intuitu personae soit bilatéral en ce sens que les qualités du franchisé et celles du franchiseur sont essentielles.

Pendant toute la vie du contrat celui-ci sera ainsi marqué du sceau de la liberté contractuelle. Il en va ainsi même à la fin du contrat. Celle-ci a diverses causes. Elles peuvent être ordinaires : l’arrivée du terme, la résiliation unilatérale lorsque le contrat est conclu sans terme ou encore la résiliation bilatérale. L’extinction du contrat peut encore résulter de circonstances extraordinaires. Sont des causes d’extinction extraordinaires la résiliation du contrat pour inexécution, la survenance d’un cas de force majeure, l’exécution de la clause de hardship ou encore l’atteinte portée à l’intuitu personae.

Intéressons-nous aux causes d’extinction ordinaires. L’arrivée du terme vient mettre fin au contrat de franchise. Cette limitation de la durée du contrat de franchise s’explique par son économie.[12] Cela s’explique aussi par le fait que le contrat de franchise contient souvent des obligations, telle que l’obligation d’exclusivité dont la limitation dans la durée est une condition indispensable de validité[13]. Il met fin au contrat de franchise pour l’avenir, sans remettre en cause les effets que le contrat a valablement produit dans le passé. En effet, en l’absence de clause de renouvellement, chacune des parties retrouve sa liberté contractuelle à l’échéance du terme. Aucune d’elles ne bénéfice d’un droit au renouvellement du contrat expiré à l’échéance.[14] La jurisprudence considère que le refus de renouvellement du contrat à son terme ne constitue pas un abus mais l’exercice d’un droit de ne pas contracter[15]. Le principe est donc le prima de la liberté contractuelle.[16]

Si généralement, les contrats de franchise sont conclus pour une durée déterminée, rien n’empêche qu’ils puissent être conclus sans durée. Les parties peuvent librement ne pas fixer un terme extinctif de leur relation contractuelle et conclure un contrat non limité dans le temps. Dans ce cas, le principe est la résiliation unilatérale. Le franchiseur et le franchisé liés par un contrat de franchise à durée indéterminée peuvent alors librement et unilatéralement rompre leur contrat chaque fois qu’ils jugent opportun de dénouer le lien qu’ils avaient noué[17]. Chacun d’entre eux dispose, en cela, d’un droit de résiliation unilatérale[18], sous réserve de ne pas abuser de son droit et de respecter un délai de préavis. Ce droit de résiliation unilatérale, doté désormais d’une valeur constitutionnelle[19] et ayant un caractère d’ordre public[20], se justifie par le principe de la prohibition des engagements perpétuels.[21]

Au nom de cette même liberté, les parties peuvent décider de ne pas attendre l’arrivée du terme de leur contrat. Elles peuvent mettre fin à cette convention comme le préconisait d’ailleurs l’ancien article 1134 : « …Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise...» ."Pas de juge, pas d’avocat, on se serre virilement la main et on se dit : adieu camarade".[22]

La liberté contractuelle ainsi magnifiée tout au long du contrat de franchise témoigne ainsi de richesse et de la souplesse de cette institution. Mais elle peut entrer en confrontation et mettre en péril d’autres principes du droit si celle-ci n’était pas surveillée.






II- Une liberté doublement encadrée


Nous sommes ici certes, dans un domaine où la liberté contractuelle est portée au pinacle, mais que serait-elle si elle n’était pas encadrée ? Rappelons-nous cette célébre formule de Lacordaire: « Entre le fort et le faible …, c’est la liberté qui opprime, et la loi qui affranchit». Aussi est-elle doublement surveillée. D’une part par le droit civil des obligations (A), et par le droit de la concurrence d’autre part(B).



  1. Les limites traditionnelles fixées par la théorie générale des obligations

Au commencement  était le code civil et le code civil était et demeure le soubassement de tous les contrats. Tous les contrats existent par lui et aucun deux n’aurait existé sans lui, c’est-à-dire en totale méconnaissance des règles générales qu’il impose. En effet, l’article 1105 du code civil énonçait déjà : «Les contrats, qu’ils aient ou non une dénomination propre, sont soumis à des règles générales, qui sont l’objet du présent sous-titre… ». Or le contrat de franchise fait partie de la catégorie juridique des contrats innomés. Donc il va sans dire que celui-ci est soumis d’abord aux règles du droit commun des contrats. Même si les parties le désirent, leur convention ne saurait prendre corps si celle-ci ne se soumet aux conditions posées par le code civil à savoir : le consentement des parties ; leur capacité de contracter ; un contenu licite et certain (Art. 1028 c. civ.).[23] Premier constat d’échec de la liberté contractuelle.

Si l’on devrait faire une lecture erronée de l’ancien article 1134 du code civil, l’on pourrait tout suite croire que celui-ci chante un véritable hymne à la liberté voire au libertinage. Mais attention à ne pas tirer des conclusions péremptoires. Cette lecture devrait s’éclairer des dispositions de l’ancien article 6 du code civil. Désormais le nouvel article 1102 fait mieux en ce que celui-ci fusionne ces deux articles précités en un. Le nouveau texte s’énonce en des termes suivants : « Chacun est libre de contracter ou de ne pas contracter, de choisir son cocontractant et de déterminer le contenu et la forme du contrat dans les limites fixées par la loi. La liberté contractuelle ne permet pas de déroger aux règles qui intéressent l’ordre public ». A l’évidence la liberté contractuelle ne pourrait conduire à la conclusion des contrats qui bafouerait l’ordre public. En d’autres termes, la liberté contractuelle s’arrête là où commence l’ordre public. Il semble en revanche que le nouvel article ne tienne pas compte de la notion de bonnes mœurs autrefois contenue dans l’article 6 précité. Cette notion apparaît en effet désuète au regard de l’évolution de la société, et la jurisprudence l’a progressivement abandonnée au profit de la notion d’ordre public dont elle n’a eu de cesse de développer le contenu.

En se référant aussi à l’article 1103 du code civil qui reprend d’ailleurs l’al. 1er de l’ancien article 1134 l’on pourra arguer que le contrat même s’il est le fruit de la volonté des parties, celui-ci ne tire pas sa force uniquement de ladite volonté car si les conventions tiennent lieu de loi aux parties c’est sous réserve qu’elles soient légalement formées.

Enfin, au-delà des limites classiques connues[24] la liberté contractuelle de l’une des parties peut être sérieusement limitée en ce sens que le contrat de franchise s’apparente à un contrat d’adhésion entre le franchiseur et le franchisé. Il y a des chances que ce dernier subisse le contrat, au lieu de le vouloir.

La théorie générale des obligations ne serait d’ailleurs pas la seule à porter des coups de boutoir à la liberté contractuelle. Elle connait aussi de sérieuses atteintes dans certaines matières spécifiques dont, entre autre, le droit de la concurrence avec laquelle elle se bat pour survivre. 


B- La liberté contractuelle à l’épreuve du droit de la concurrence.

Si la liberté contractuelle est « l’âme du contrat » [25] de franchise il ne faut pas perdre de vue que celle-ci connait des tempéraments, lesquels sont dûs aux exigences du droit de la concurrence. En réalité, la liberté laissée aux opérateurs professionnels pour s’associer entre eux et organiser les circuits de distribution trouve sa limite dans le contrôle de la concurrence exercé de façon croissante par les pouvoirs publics au travers d’une réglementation visant à réduire les pratiques de concertation (ententes) et à réduire les abus (discriminations, abus de position dominante, concurrence déloyale).

L’intervention de l’État pour contrôler les circuits de distribution,  se fait non seulement, au nom de l’ordre public de direction constitué par les règles au moyen desquelles l’État influence l’économie ; mais encore au nom d’un certain ordre public de protection   par lequel le législateur entend protéger la partie la plus faible au contrat.

Certaines pratiques peuvent être considérées comme discriminatoires et abusives. L’égalité dans la concurrence étant le gage de la liberté de concurrence, il est important de préserver cette égalité. Parlant de la liberté de choisir, le franchiseur est en droit  de choisir librement son cocontractant et d’écarter les candidats qui ne lui paraissent pas remplir les conditions professionnelles qu’il exige. Le refus d’accorder la franchise à un candidat qui pourtant répond aux critères de sélection, doit être objectivement justifié. Il ne saurait être discriminatoire. La clause d’exclusivité territoriale est la clause par laquelle le franchiseur s’engage à ne pas accorder de franchise et à ne pas installer par lui-même un magasin dans la zone territoriale du franchisé. Cela suppose de la part du franchiseur un renoncement à concurrencer, par quelque manière que ce soit, son franchisé sur le territoire qu’il lui a dédié c’est-à-dire sa zone de chalandise. Même si l’exclusivité territoriale n’est pas de l’essence du contrat de franchise, rien n’interdit aux parties de la prévoir. Elle peut revêtir un caractère discriminatoire puisqu’elle suppose qu’en dehors du franchisé nul autre ne peut bénéficier de cet avantage. Ce faisant, elle (la clause d’exclusivité) offre à son bénéficiaire un avantage concurrentiel non négligeable car elle est de nature à rompre une certaine égalité. Aussi est-elle d’interprétation stricte. L’exclusivité territoriale est licite au regard du droit de la concurrence si elle ne conduit pas à un verrouillage du marché. Elle ne doit en aucun cas entraver toute concurrence.

La clause d’exclusivité d’approvisionnement exclusif par contre est inhérente au contrat de franchise. Pour être licite, elle doit être nécessaire au maintien de l’identité commune et à la réputation du réseau du franchisé et sa durée arrimée sur celle du contrat de franchise. Il faut dire que les autorités de concurrence voient d’un mauvais œil la clause d’approvisionnement exclusif surtout si celui-ci est de longue durée. La cour de justice a jugé, à plusieurs reprises, que des accords d’achat exclusif n’étaient pas de nature à restreindre le jeu normal de la concurrence[26]. Si la clause porte sur les produits ou accessoires, la jurisprudence est plus restrictive. Une telle obligation doit être justifiée par le savoir-faire ou le maintien de l’identité du réseau et le franchisé doit être libre d’acquérir ces matériels auprès d’autres fournisseurs s’ils «peuvent être décrits par des caractéristiques objectives».[27] Il en va de même pour la clause de non-concurrence, considérée comme normale après la fin ou la rupture du contrat mais devrait être objectivement justifiée et surtout limitée dans le temps.

Somme toute, le droit de la concurrence ensemble avec le droit commun des contrats se proposent d’être le gendarme d'un domaine qui ressemblerait à ce que l’on pourrait appeler « no-law’s-land ». La franchise est bien un système de distribution qui offre une souplesse remarquable, mais qui, par ses implications et sa polyvalence, dépend d’un régime juridique complexe. Aussi puissante que soient les volontés individuelles, celles-ci cèdent le pas face aux règles qui débordent de la protection des seuls intérêts privés des parties. D’ailleurs la liberté contractuelle n’a jamais été absolue. Elle rentre souvent en heurt avec des règles générales et certaines particulières mais jamais l’économie n’a cessé d’être libérale. Si la liberté contractuelle permet de rendre le contrat de franchise plus malléable, ce qui peut militer en faveur de son attractivité, attention cependant à ne pas froisser l’ordre public concurrentiel encore moins le droit commun des contrats.



©Par Primos E. GANGBAZO, Master Droit privé fondamental





[1] Com. 10 dec. 2013, n° 12-23115
[2] Ce texte est désormais prévu à l’article 1103 depuis le 1er Octobre 2016 date d’entrée en vigueur de la reforme
[3] Théorie du solidarisme contractuel et celle de l’utile et du juste.
[4] Ancien article 1107 c. civ.
[5]  J.-M. LELOUP,  La création des contrats par la pratique commerciale, in L’évolution contemporaine du droit des contrats, PUF, 1986, p.167
[6] Duguit, Saleilles, Demogues etc.
[7] Règlement UE n° 330 du 20 Avril 2010 sur les restrictions verticales.
[8] Arbitrage, conciliation, médiation, négociation…
[9] G. ROUHETTE, La force obligatoire du contrat : Rapport français, in Le contrat aujourd’hui : comparaisons Franco-Anglaises, sous la dir. D. Tallon et D. Harris, LGDJ 1987, p. 28, n° 2.
[10] Cons. const., 13 juin 2013, 2013-672 DC
[11] Com. 3 juin 2008, deux arrêts, JCP 2008. II. 10154, note Hovasse, RTD Civ 2008. 478, note Fages.
[12] L’économie du contrat peut renvoyer aussi bien à la structure qu’au contenu du contrat ou au but commun des contractants ou enfin à l’équilibre contractuel. Sur cette notion, v. S. PIMONT,  L’économie du contrat, PUAM, 2004, préface J. Beauchard.
[13] Yasser  AL SURAIHY , La  fin du contrat de franchise, Th. Poitiers, 2008    
[14] M. MALAURIE-VIGNAL, Droit de la distribution, Sirey, 2006, n° 651, p.177 et s
[15] Cass. com., 5 juillet 1994, pourvoi n° 92-17918 ; Contrats. conc. consom 1994, n° 219, comm. L. LEVENEUR. CA Paris 12 janvier 2005, LPA, 8 décembre 2005, n° 44, p.9, note. Y. MAROT
[16] V. D. MAZEAUD, La politique contractuelle de la Cour de cassation, in Libres propos sur les sources du droit, Mélanges. Ph. Jestaz, Dalloz, 2006, p. 371
[17] M. BEHAR-TOUCHAIS et G. VIRASSAMY, Les contrats de la distribution, LGDJ, 1999, n° 332, p. 151 ;
[18] J. MESTRE, Résiliation unilatérale et non -renouvellement dans les contrats de distribution, op.cit, p.19
[19] Cons-const 9 novembre 1999, déci n° 99 - 419 DC, JO 16 novembre 1999, p.16962
[20] J. AZEMA, La durée des contrats successifs, LGDJ, préface R. Nerson, n°192, p.153.
[21] Ibid.
[22] P.-Y. GAUTIER, Rapport de synthèse, in La cessation des relations contractuelles d’affaires, PUAM 1997, p. 215, et spéc., n° 8, p. 221, et s.
[23] Ancien art. 1108
[24] Des cas où le contrat est imposé par le législateur (Ex., tout conducteur d’un véhicule terrestre à moteur doit souscrire un contrat d’assurance couvrant les dommages susceptibles d’être causés aux tiers par ce véhicule). Dans d’autres hypothèses, le contenu du contrat est largement imposé par le législateur. C’est le cas  du bail commercial. Parfois, c’est le cocontractant qui est imposé par le législateur. Tel est le cas du droit de préemption existant entre les coïndivisaires en cas de cession  par l’un d’entre eux de ses droits sur le bien indivis (article 815-14 C. civ.). La liberté contractuelle peut aussi être réduite par l’interdiction de certaines clauses ; tel est le cas de l’interdiction des clauses abusives résultant de la loi du 10 janvier 1978  en France.

[25] Op. cit.
[26] CJCE 28 fevrier 1991 C-234/89, Delimitis; CJCE, Ord., 3 septembre 2009, C-506/07, Lubricantes y Carburantes Galacios
[27] Cons. Conc. Déciss. n° 99-D-49, 6 juillet 1999, Y. Rocher.

Commentaires

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