L'indépendance des magistrats : Quid ?
"Il n'y a point de liberté si la puissance de
juger n'est pas séparée de la puissance législative et de l'exécutrice. Si elle
était jointe à la puissance législative, le pouvoir sur la vie et la liberté
des citoyens serait arbitraire: car le juge serait législateur. Si elle était
jointe à la puissance exécutrice, le juge pourrait avoir la force d'un
oppresseur "[1].
Par ces écrits qui font suite à la théorie de la séparation des pouvoirs dont
il est le pionnier, Montesquieu nous a légué un précieux héritage qui
aujourd'hui fait office d'un véritable principe régissant l'activité des magistrats.
Il s'agit du principe de l’indépendance des magistrats dont nous nous proposons
de scruter les aspects les plus divers.
L'indépendance révèle
l'état d'une personne qui n'est tributaire de personne sur le plan matériel,
moral et intellectuel et qui jouit d'une liberté et d'une autonomie dans
l'exercice de ses fonctions. L'indépendance suppose donc une prémunition contre
toute immixtion pouvant entraver l'impartialité dans l'appréciation d'une
donnée quelconque. Formant le corps judiciaire, les magistrats ou juges
désignent le personnel qui dans une juridiction est chargée de dire le droit
c'est-à-dire appliquer la règle juste aux faits soumis à leur appréciation et
ce de façon impartiale. Il faut toutefois faire le départ entre les magistrats
du siège et ceux du parquet. Les magistrats du siège encore appelés magistrats assis sont ceux qui
véritablement jugent. Autrement dit, les magistrats du siège ont le monopole de
l'application souveraine du droit aux faits. Par contre, les magistrats du
parquet ou magistrats debout forment
le ministère public et sont chargés de requérir l'application de la loi et donc
de représenter la société. Il faut signaler l'existence des magistrats de
l'ordre administratif[2] ainsi que des magistrats
élus, les échevins qui souvent siègent dans les juridictions d'exception.
L'indépendance des magistrats, fait donc référence à l'autonomie dont disposent
les magistrats pour mener à bien leur mission.
Nous consacrerons nos
développements aussi bien sur l'indépendance des magistrats du siège que sur
celui des magistrats du parquet dans l'ordre interne, abstraction faite de
l'indépendance des juges internationaux et communautaires ainsi que des
magistrats de l'ordre administratif et des échevins.
Que recouvre la notion de
l'indépendance des magistrats ? Est-elle réellement effective ? Telles sont les
questions auxquelles nous essayerons d'apporter des réponses.
Mais de façon sommaire
relevons que l'indépendance des magistrats a été érigée au rang de principe et
est largement consacré par de divers textes tant nationaux qu’internationaux. Cependant
il demeure dans son application largement influencé par les autres pouvoirs.
Notons que si le système
des pays de la famille romano-germanique peine à assurer une réelle
indépendance aux magistrats, dans le système de la common law les magistrats sont généralement réellement indépendants
et constituent un contrepoids aux pouvoirs exécutifs et législatifs. Cela est
rendu possible par l'inamovibilité des juges surtout des juridictions supérieures,
la garantie du salaire et du prestige du juge et, surtout les décisions
judiciaires constituent la principale source de droit dans le système de la common law. A cela il faut ajouter le
fait que les juges en Angleterre par exemple ont les moyens de se faire
respecter avec la procédure de "contempt of court."[3]
La problématique de
l'indépendance des magistrats est d'actualité. En témoigne le regain d'intérêt
dont il fait l'objet en France ces temps-ci. François BAYIROU a en effet lors
de sa conférence de presse sur la moralisation de la vie publique le jeudi 1er
juin 2017 à Paris annoncé une réforme constitutionnelle sur l'indépendance des
magistrats du parquet. Cette annonce fait suite au souhait émis par Emmanuel
Macron durant sa campagne d'"aligner
les nominations des membres du parquet sur celle des magistrats du siège"[4].
Il est donc évident que
la thématique abordée a le mérite de nous permettre de passer en revue, les
garanties dont disposent les magistrats notamment celle de l'indépendance et
d'apprécier la réalité de leur application.
S'il a subit, continue de
subir(II) et probablement continuera de subir si rien est fait, de multiples
violations, il n'en demeure pas moins évident que le principe d'indépendance
des magistrats demeure un principe légalement consacré (I) aux multiples
déclinaisons.
I. L’INDÉPENDANCE DES MAGISTRATS : UN PRINCIPE
AMBITIEUX
Salutaire à bien des égards,
la séparation des pouvoirs de Montesquieu fut à l'origine de l'érection d'une
foultitude de textes consacrant l'indépendance du magistrat (A) dont la valeur
(B) peut être appréciée sous divers angles.
A.
LA CONSÉCRATION DU PRINCIPE D’INDÉPENDANCE DES MAGISTRATS
L'indépendance judiciaire
est l'un des piliers de l'organisation d'une société démocratique. La règle de
droit ainsi que le respect des droits de la personne ne peuvent être garantis
que dans un contexte où la profession judiciaire et la magistrature sont libres
de toute ingérence et donc indépendante.
Il faut relever d'emblée
que la notion de l'indépendance des magistrats a eu une forte consécration
allant du cadre national au cadre international. C'est ainsi que les diverses
consécrations du principe des magistrats sont aussi bien d'ordre
constitutionnel, conventionnel, que jurisprudentiel.
D'abord, dans la plus
part des pays, c’est la constitution qui prévoit l'indépendance de la justice
et par conséquent de la magistrature. C'est le cas des constitutions du Togo,
Benin, Maroc, îles Maurice, France etc.
Au Togo l'indépendance du
pouvoir judiciaire est prévue aux articles 19 et 113 de la constitution. Aux
termes de l'article 113, « le pouvoir judiciaire est indépendant du
pouvoir législatif et du pouvoir exécutif ». Il en est de même en France
où l'article 64 de la constitution du 04 octobre 1958 consacre l'indépendance
de l'autorité judiciaire et confie au Président de la République le rôle de
garant de cette indépendance. Il faut toutefois relever que dans certains pays
tel la Mauritanie, il n'existe pas de définition constitutionnelle à
l'indépendance de la justice, mais les juges dans l'exercice de leurs fonctions
ne sont soumis qu'à l'autorité de la loi.
Il n'est aussi pas rare
que des lois organiques interviennent en aval de la consécration
constitutionnelle de l'indépendance des magistrats pour renforcer celle-ci.
C'est l'exemple en France avec l'article 4 de l'ordonnance organique du 22
décembre 1958 consacrant l’indépendance de la justice.
Ensuite relativement aux
consécrations conventionnelles, retenons dans une approche définitionnelle
qu'il faut entendre le mot conventionnel au sens des accords, conventions et
chartes ainsi que des déclarations intervenant au plan international pour
assurer à leur tour une indépendance textuelle aux magistrats. Citons en
premier la charte africaine des droits de l'homme et des peuples dont l'article
26 dispose : « les États parties à la présente charte ont le devoir de
garantir l'indépendance des tribunaux ». En outre, l'article 6 de la
Convention Européenne pour la sauvegarde des Droits de l'Homme(CEDH) prévoit
aussi que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement,
publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et
impartial établi par la loi ». Des dispositions similaires se retrouvent
dans l'article 8 de la Convention Américaine des Droits de l'Homme; dans
l'article 10 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme ainsi que dans
l'article 14 de la Charte Internationale relative aux Droits Civils et
Politiques.
Par ailleurs un texte non
moins important mérite aussi d'être mentionné. Il s'agit des Principes Fondamentaux
relatifs à l'Indépendance de la
Magistrature adoptés à Milan en 1985 dont la valeur juridique n'est plus à
démontrer.
Enfin, l’intervention de
la jurisprudence ne doit pas être occultée. En effet, c'est par un arrêt de
2002 que le « tribunal fédéral suisse a défini l'indépendance de la
justice[5]». En France la cour
constitutionnelle dès sa décision du 9 juillet 1970 a affirmé la valeur
constitutionnelle du principe d'indépendance des juges. A propos d'une
disposition législative qui donnait aux élèves de l'école supérieure de la
Magistrature la possibilité de participer à des activités juridictionnelles
avec voix délibérative, la cour a rappelé que compte tenu de leur statut qui
les soumet au directeur de l'école et au ministre de la justice, leur participation
à des audiences « est incompatible avec le principe d'indépendance des
juges, tel qu'il résulte de l'article 64 de la constitution ».
Si ces interventions
jurisprudentielles corroborent l'indépendance consacrée constitutionnellement
et conventionnellement aux magistrats, il faut relever que cette indépendance
n'est souvent profitable qu'aux magistrats du siège. C'est à juste titre que le
Doyen FAVOREU indiquait que « l'indépendance des magistrats du parquet
n'est pas constitutionnellement protégée[6]» et ce contrairement à
l'article 107 de la constitution italienne qui dispose que « les
magistrats sont inamovibles ». Les parquetiers se voient donc laissés dans
une situation inconfortable quant à leur indépendance du fait de leur
dépendance au ministère de la justice, donc à l'exécutif. La cour
constitutionnelle pour pallier cet état de chose a à plusieurs reprises étendu
le principe d'indépendance reconnu aux magistrats du siège à ceux du parquet. A
cet effet, par sa décision CC, 11 août 1993, loi portant réforme du code de
procédure pénale, la cour constitutionnelle a reconnu que le principe
d'indépendance de l'autorité judiciaire s'applique à l'ensemble des magistrats
judiciaires qu'ils relèvent du siège ou bien du parquet. Cette décision a été
confirmée par la décision du 30 juillet 2010. A cela il faut ajouter les
observations faites par le rapporteur public Mattias dans ses conclusions sur
l'arrêt Mme. Nadège[7].
Le principe d'indépendance de l'autorité judiciaire impose selon lui « que
des garanties particulières s'attachent à la qualité des magistrats sans aucune
incidence sur ce point qu'il soit du siège ou du parquet[8]».
Si tous les acteurs tant
nationaux qu’internationaux s'activent pour donner une consécration textuelle
au principe d'indépendance des magistrats, comment peut-on appréhender et apprécier cette notion?
B.LA
VALEUR DU PRINCIPE D'INDÉPENDANCE DU MAGISTRAT
Il s'agira ici de donner un
aperçu sur la philosophie qui inspire le principe d'indépendance des magistrats
ainsi que ses différentes déclinaisons.
Primo, l'une des
justifications du principe d'indépendance des magistrats est de soustraire
l'exercice de la justice aux ingérences du gouvernement : prévenus et coupables
doivent être assurés d'avoir affaire à des juges indépendants qui rendront leur
sentence conformément à la loi. L'article 16 de la Déclaration des Droits de
l'Homme et du Citoyen de 1789 dispose: « toute société dans laquelle
la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs
déterminée, n’a point de constitution ». Cette disposition met en avant la
notion d'État de droit qui suppose la soumission de l'État au droit que tend à
garantir le principe d'indépendance des magistrats. L'indépendance du juge n'a
de valeur que si elle permet au juge d'appliquer la loi de manière égale pour tous,
ce qui est une des conditions essentielles de la paix sociale dont est
responsable l'État. Elle permet donc de garantir aux citoyens le respect de
leurs droits et libertés fondamentaux et de sanctionner en toute impartialité
les atteintes à ces droits. Il conviendra donc de dire que l'indépendance du
juge est un préalable nécessaire à son impartialité. Pour ce faire le juge doit
être libre de toute influence extérieure. Cela implique que l'indépendance doit
pouvoir puiser ses racines dans l'organisation même de l'État qui doit non
seulement garantir le principe juridictionnel de la liberté de décider et de
juger mais aussi doit se traduire dans un ordonnancement qui exclut toute
immixtion ou toute dépendance des magistrats.
Deuxio, il convient de
préciser l'indépendance ne s'entend pas seulement d'une défense d'immixtion à
l'égard de l'exécutif mais aussi à l'égard du juge lui-même, du pouvoir
législatif, de ses collègues, des parties à une procès, ainsi que des médias .
A l'égard de l'exécutif,
nous l'avions déjà abordé, mais il n'est pas inutile d'ajouter que le juge doit
bénéficier d'un statut protecteur qui le place à l'abri des pressions de
l'exécutif. On peut dès lors poser deux règles qui se répondent: d'une part, le
juge ne peut pas s'immiscer dans le domaine réservé au pouvoir exécutif.
D'autre part, en sens inverse, le pouvoir exécutif ne peut s'immiscer dans la
fonction judiciaire. L'exécutif ne doit donc exercer aucune influence aussi
bien directe qu'indirecte sur la résolution d'un litige.
A l'égard de lui-même, la nécessaire indépendance du
juge suppose que le juge soit à même de statuer en son âme et conscience sans
préjugés en faveur ou en défaveur de l'une ou de l'autre partie. D'où la
nécessité de l'impartialité du juge. A l'égard de lui-même l'indépendance du
juge suppose aussi qu'il lui soit garanti des conditions favorables à son
indépendance. C'est en cela que l'article 114 de la constitution togolaise du
14 octobre 1992 est gage de l'indépendance des magistrats. Cet article dispose
: « les magistrats du siège sont inamovibles ». C'est une
disposition qui a vocation à protéger les magistrats du siège contre toute
mesure arbitraire de suspension, rétrogradation, révocation ou déplacement même
en avancement.
A l'égard du pouvoir
législatif l'indépendance de la magistrature suppose que le parlement ne puisse
empiéter sur les prérogatives du judiciaire en remettant en cause les données
d'un procès.
A l'égard de ses
collègues, le juge ne doit pas se voir influencer par ses supérieurs
hiérarchiques qui peuvent être tentés de lui dicter ses décisions.
En outre, le juge doit être
indépendant des parties considérés comme les principaux corrupteurs des juges.
C'est cette indépendance qui justifie en partie le principe de la gratuité de
la justice qui veut que le juge ne soit pas payé par les parties.
Enfin, un autre aspect
assez crucial de l'indépendance des médias
est celui de ses rapports avec les médias qui par principe ne doivent
pas s'immiscer dans les activités judiciaires au risque d'empêcher le bon
déroulement des activités judiciaires.
Il faut toutefois
amèrement relever que malgré les constructions jurisprudentielles de la cour
constitutionnelle, l'indépendance des parquetiers est toujours problématique ce
qui constitue la porte d'entrée aux multiples violations de l'indépendance des
magistrats qui finalement a gagné tout le corps judiciaire.
II. L’INDÉPENDANCE DES MAGISTRATS : UN
PRINCIPE MIS EN MAL DANS SON APPLICATION
De nombreuses atteintes
(A) sont portées à l'indépendance des magistrats malgré les garanties
textuelles, ce qui nécessite que des mesures supplémentaires soient mises en
œuvre en vue du renforcement (B) de cette indépendance.
A.LES
ATTEINTES PORTÉES A L’INDÉPENDANCE DES MAGISTRATS
Comme sus évoqué, la
situation du parquet est un sésame à la violation de l'indépendance des
magistrats. La cour constitutionnelle a certes par une construction audacieuse
étendue l'indépendance aux magistrats du parquet mais cette construction
jurisprudentielle ne fait pas cesser pour autant la dépendance du parquet. En
effet, l'indépendance des magistrats du parquet ne peut pleinement s'exprimer
en raison de la subordination hiérarchique des membres du ministère public qui
sont en dernier ressort placés sous l'autorité du garde des sceaux, ministre de
la justice. De là, l'effet des pressions occultes que subissent les parquetiers aboutit en pratique à des
non-lieux et à des classements sans suite même s'il faut se garder de
généraliser la règle. La cour européenne des droits de l'homme (Cour EDH) a, à
plusieurs reprises condamné la France pour le manque d'indépendance du parquet.
Dans l'arrêt Medvedyev et autres C/ France[9] rendue le 29 mars 2010 par
la grande chambre de la Cour EDH , la cour avait décidé que le magistrat doit
présenter les garanties requises d'indépendance à l'égard de l'exécutif et des
parties d'où elle déduit au vue de la situation française que « le
ministère public français ne dispose pas d'une indépendance suffisante
vis-à-vis de l'exécutif et ses membres ne sont donc pas des magistrats au sens
des dispositions conventionnelles ». Cette jurisprudence fut confirmée
quelques mois plus tard par l'arrêt Moulin C/ France[10] où la Cour EDH a
réaffirmé que le procureur en France n'est pas une autorité judiciaire
indépendante.
De façon générale,
l’instrumentation, donc la dépendance de l'appareil judiciaire surgit dans le
débat public à l'occasion de la mise en cause des personnalités politiques. En
témoignent les affaires Bernard Tapie, Cahuzac, et tout récemment l'affaire
François Fillon.
Dans la réalité des
faits, l'indépendance pensée à l'égard de l'exécutif est difficile à mettre en œuvre
puisque les magistrats pour la plus part sont nommés, payés, récompensés par un
avancement ou au contraire en cas de faute disciplinaire, sanctionnés par
l'État qui les emploie.
Sous un autre aspect, le législatif
piétine sérieusement et malicieusement le principe d'indépendance des
magistrats. D'abord le pouvoir législatif passe par la voie de l'adoption d'un
nouveau texte en vue de remettre en cause les données d'un procès. Ces textes
sont généralement des lois d'interprétation qui en pratique viennent
interpréter autrement un texte qui a servi de piédestal à la construction d'une
jurisprudence en vue de casser cette jurisprudence. Le juge se voit obligé
alors de statuer dans le sens voulu par la nouvelle loi étant donné que les lois
d'interprétation sont d'application rétroactive. Ensuite, le législatif adopte aussi des lois de
validation ayant pour effet de valider ce qui avait été déclaré illégal par une
décision jurisprudentielle antérieure. Cette dernière manœuvre du législatif
est plus récurrente en matière administratif lorsque les conséquences de
l'annulation d'un acte seraient trop
considérables.
En matière pénale, une
immixtion plus flagrante du pouvoir législatif dans les prérogatives du
judiciaire se manifeste par l'adoption des lois d'amnistie constituant donc un
obstacle au déclenchement des poursuites non encore engagées pour les faits
visés. Les lois d'amnistie sont en fait des lois qui décident par exemple que
les faits commis par les délinquants à une certaine époque ou dans certaines
circonstances cessent, dans ces circonstances et pour cette période, d'être des
infractions pénales. C'est donc un pardon légal qui éteint l'action publique[11].
Enfin, s'il est de
notoriété que les présents aveuglent les yeux des sages et corrompent les
paroles des justes, on peut dès lors voir en la corruption sans cesse
croissante une menace à l'indépendance des magistrats.
Relevons pour finir que
si ces attaquent persistent, c'est parce que la justice est déjà fragilisée par
le statut des parquetiers dont les conditions de nomination éveil le soupçon
d'une dépendance à l'égard du pouvoir exécutif. Dès lors, le renforcement de
l'indépendance des magistrats parait plus que comme une nécessité.
B.LA
NÉCESSITÉ DU RENFORCEMENT DE L’INDÉPENDANCE DES MAGISTRATS
Dans l'atmosphère
actuelle où la justice n'inspire plus confiance aux justiciables qui dénoncent
une justice aux ordres du pouvoir exécutif, la nécessité de rapprocher
davantage la justice des citoyens est importante. Cela ne peut se faire sans le
renforcement de l'indépendance des magistrats qui est un gage de l'impartialité
des magistrats. Pour ce faire, il est impérieux de mettre en place des règles
statutaires qui réglementent la carrière des magistrats et qui soient
suffisamment précises et contraignantes pour les mettre à l'abri des pressions
politiques. De là vient la nécessité de confier la carrière des magistrats à un
organe indépendant du pouvoir exécutif. C'est chose faite depuis la création du
Conseil Supérieur de la Magistrature(CSM). Ce conseil en France bénéficie d'une
plus grande autonomie d'action depuis la réforme constitutionnelle du 23
juillet 2008 qui a mis fin à la présidence du CSM par le chef de l'État et à la
vice-présidence par le garde des sceaux, ministre de la justice.
Il est tout aussi
important d'assurer plus d'indépendance aux magistrats du parquet en alignant
leur statut sur celui des juges du siège en ce qui concerne leur nomination et
les règles disciplinaires qui leur sont applicables. A cet effet l'Union
Syndicale des Magistrats demandent depuis toujours que l'indépendance soit
accordées aux magistrats du parquet afin de satisfaire aux standards européens
d'une justice indépendante et impartiale. C'est à juste titre que la réforme
souhaitée en France par F. Bayirou est louable.
Aussi, il convient de
revoir la rémunération des magistrats pour les mettre à l’abri autant que faire
se peut de la corruption qui gangrène le système judiciaire aujourd'hui.
Dans le souci d'une bonne
administration de la justice, il faut aussi encourager les procédures de
récusation lorsque des motifs sérieux et légitimes soutiennent l'éventualité de
la partialité d'un magistrat qui dans cet état ne peut plus être indépendant à
l'égard des parties.
Remarquons aussi qu'il
existe des règles qui tendent déjà à assurer l'indépendance des juges vis-à-vis
de leurs collègues. Il s'agit par exemple de l'obligation de mobilité qui
empêche qu'un magistrat en bénéficiant d'un avancement sur place et dans une
même juridiction puisse exercer une influence croissante sur les autres membres
de sa juridiction. Il en est de même pour la règle de roulement qui veut que
chaque année les magistrats changent de chambre (civile, commerciale, sociale
etc.). Ces règles sont toutes fois à renforcer parce qu'étant peu respectées.
Au demeurant on peut
retenir que le principe d'indépendance des magistrats malgré qu'il fait l'objet
de multiples consécrations constitutionnelles, conventionnelles et
jurisprudentielles est en pratique violé dans bien des cas. Mais il faut tout
de même signaler l'existence de nouvelles règles tendant à renforcer
l'indépendance des magistrats.
Cependant, eu égard à la réforme
en cours en France sur l'indépendance du parquet, que faudrait-il attendre des
législations de nos pays d'Afrique francophone lorsqu'on sait que l'essentiel
de nos règles juridiques sont une transposition de celles de la France ?
Par Séverin MOUZOU, Master en Justice et
Droit du Procès, Droit Judiciaire Privé/Contentieux Judiciaire.
[1]
Montesquieu, esprit des lois, édition
de Robert derathé, Paris ,2011,705p
[2]
Leur indépendance a été consacrée par CC, 22 juillet 1980 , loi de validation
qui reconnaît l'indépendance de la juridiction administrative comme faisant
partie des Principes Fondamentaux Reconnus par les Lois de la République
[3]
Correspondant plus ou moins à notre
notion d'outrage à magistrat
[4]
www.mobile.francetvinfo/politique/francois-bayrou/bayrou-annonce-une-reforme-constitutionnelle-sur-l'independance-des-magistrats-parquet_2217230.html
[5]
Monsieur Gábor SZEPLAKI-NAGY, conseiller référendaire à la cour suprême de
Hongrie, actes du deuxième congrès de l'association des hautes juridictions de
cassation des pays ayant en partage l'usage du français, Dakar, 7 et 8 novembre 2007,229p =>
disponible en ligne sut http://www.ahjucaf.org/IMG/pdf/independance justice.pdf
[6]
Louis Favoreu,brèves observations sur la
situation du parquet au regard de la constitution
[7]
CE ,sect. 1er octobre 2010, Mme. Nadège A. n°311938
[8]
Mattias GUYOMAR,concl. sur CE ,sect. 1er oct. 2010, Mme. Nadège A. , Gaz PAL,
21 octobre 2010, n°294. p16 => disponible en ligne sur www.lextenso.fr
[9]
Cour EDH,GC,29 mars 2010, Medvedyev C/ France . l'arrêt qui a fait l'objet
d'appel fut Cour EDH , 5e sect, 10 juillet 2008, Medvedyev C/ France , req,
n°3394/03
[10]
Cour EDH,23 novembre 2009
[11]
l'action publique est une action en
justice portée devant une juridiction répressive pour l'application des peines
à l'auteur d'une infraction. Lexique des
termes juridiques, Dalloz, 21e éd. 2014,993p
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