TOGO: l'exhibition de corps des personnes sinistrées sur les fora
INTRODUCTION
L’exercice
de la liberté d’expression ne saurait éclipser ni le droit à la dignité, ni le
droit au respect de la vie privée et familiale. La liberté d’expression ne
saurait primer sur l’ordre public et les bonnes mœurs.
La
méconnaissance de la législation en vigueur au Togo ainsi que l’absence d’une
sensibilisation et formation adéquates quant à l’utilisation des réseaux ont
fait penser que la Société de l’information[1]
est anarchique. Au mieux, elle ne serait que, pense-t-on, régie par la seule
volonté des gestionnaires d’infrastructures de ces fora[2].
Nenni !
La
goutte d’eau qui a fait déborder le vase est l’exposition cynique et
déraisonnée de corps ensanglantés de citoyens togolais, humoristes, qui ont
connu un sort funèbre du retour de Kara vers Lomé. En effet, sous le couvert
d’une compassion fort curieuse puis d’une prétendue volonté d’informer
l’opinion, certains se sont adonnés au vilain plaisir de partager les photos de
leurs dépouilles mortelles sur les plates-formes.
Et
pourtant, ce comportement mesquin est pris en compte par la législation
togolaise (I) bien qu’il parait évident que l’existence d’une loi ne peut à
elle-seule stopper le phénomène (II)
I-
LE
RAYON JURIDIQUE LIE AU PHENOMENE.
Seront
abordées, les qualifications juridiques du phénomène (A) et les peines
encourues (B)
A- Les qualifications juridiques du phénomène.
L’exposition
de corps de ces personnes sinistrées peut être qualifiée d’outrages aux bonnes
mœurs (1) et d’atteinte au corps des personnes décédées (2).
1- L’outrage aux bonnes mœurs.
Les
bonnes mœurs sont des règles de conduite
morale imposées par la loi et les usages dont la méconnaissance peut entraîner l’annulation d’une convention ou
la constitution d’une infraction pénale.
Au Togo, constitue « un outrage aux bonnes mœurs, toute atteinte à la
moralité publique par parole, écrits,
images ou par tous autres moyens »[3]
2- L’atteinte au corps des personnes décédées.
Contrairement
aux pensées de plusieurs, tous les droits ne sont pas éteints automatiquement dès
qu’on passe au trépas[4]. Certaines
législations octroient, pour plusieurs raisons, des droits aux morts. Tel est le
cas dans la législation togolaise. En réalité, constitue, au Togo, une atteinte
au corps des personnes décédées, « le fait de, par quelque moyen que ce soit, porter atteinte à la dignité ou à l’intégrité d’une personne
décédée »[5]
Des
peines sont, tout naturellement, prévues en cas de violation de ces
interdictions.
B- Les peines encourues.
Ces
peines diffèrent selon qu’on soit en
présence d’outrages aux bonnes mœurs (1) ou d’atteinte au corps des personnes
décédées (2)
1- Les peines relatives aux outrages aux bonnes mœurs.
Au
Togo, toute personne qui commet un outrage aux bonnes mœurs est punie d’une
peine d’emprisonnement d’un (01) à trois
(03) an(s) et d’une amende d’un
million (1.000.000) à trois millions (3.000.000) de francs CFA ou
de l’une de ces deux peines[6].
Est
également punie d’une peine d’emprisonnement de six (06) à deux (02) ans et d’une amende de cinq cent mille (500.000) à deux millions (2.000.000) de
francs CFA ou de l’une de ces deux peines toute personne qui expose publiquement, fabrique ou vend
en vue de l’exposition publique des objets, images,
film, enregistrements sonores ou audio visuels, contraires à la décence[7].
2- La peine relative à l’atteinte à la dignité des personnes décédées.
Au
Togo, toute personne qui porte atteinte au respect dû aux morts est punie d’une
peine d’emprisonnement d’un (01) à cinq
(05) an(s) et d’une amende d’un
million (1.000.000) à cinq millions (5.000.000) de francs CFA ou de l’une
de ces deux peines.
II- LES SUGGESTIONS POUR JUGULER LE PHÉNOMÈNE.
Ces
suggestions se bifurquent en sensibilisation (A) et par étouffement judiciaire
dudit phénomène(B).
A- De la nécessité d’une sensibilisation efficiente.
« Ne
parlez pas d’esprits différents des nôtres ; dites seulement qu’ils
ignorent ce que nous avons appris »[8] En
réalité, l’illusion de la liberté de faire tout ce qu’on se sent capable de
faire vient de la conscience de sa capacité d’agir et de l’ignorance des causes
qui font agir. Voilà pourquoi, il urge d’entamer une sensibilisation efficace.
Cette
sensibilisation doit être portée par l’État (1) et les personnes non étatiques (2)
1- La sensibilisation faite par des personnes morale de droit public.
Tous
les démembrements de l’État doivent être mis en branle afin que la population
togolaise soit suffisamment informée et formée.
En
réalité, conformément au principe d’éducation et de formation de la LOSITO[9],
chacun reçoit l’éducation nécessaire
pour lire, écrire et travailler dans le cyberespace. Les parties prenantes développent des initiatives
spéciales pour former la population aux possibilités offertes par les
technologies de l’information et de la communication mais aussi l’informer des incidences et des dangers de
la participation au cyberespace[10].
A
cet effet, la LOSITO prévoit au sein des administrations chargées de
l’éducation nationale, de l’enseignement technique et supérieur et de la
formation professionnelle, un plan pluriannuel, qui définit les axes
d’appropriation et de développement des technologies de l’information, ainsi
que les activités prévues à cet effet, le cas échéant au moyen d’accords de
coopération conclus avec des organes spécialisés et en collaboration avec le
ministère chargé de l’économie numérique[11]. Ce
plan doit être le plus vite possible mis en œuvre pour que de telles pratiques ne portent plus atteinte à l’utilisation épanouissante des réseaux.
De
même, l’État garantit les droits fondamentaux des personnes, les droits sur les
biens et sauvegarde l’ordre public ainsi que les valeurs fondamentales de la
société de l’information dans un
environnement transparent et prévisible qui reflète la situation réelle du pays[12].
Aussi protège-t-il le droit fondamental des individus au respect de leur vie
privée, y compris la confidentialité des communications et garantit la
protection de leurs droits et libertés à l’égard de tout traitement de données
à caractère personnel[13].
Il
convient que les Institutions et les médias des personnes morales de droit
public insérent un programme ou un plan d’action dans leur « agenda »
à cet effet. Lesquels programmes et actions doivent être exécutés sans
folklore.
2- La sensibilisation faite par les personnes privées.
Les
représentants de l’État ne peuvent à elles seules accomplir cette tâche.
D’ailleurs
l’article 4 de la LOSITO retient le principe de responsabilité dans
l’utilisation des réseaux. En effet, conformément au principe de
responsabilité, la participation à la société de l’Information au Togo est
régie par des principes éthiques. L’État et les citoyens veillent à ce que le traitement des données à
caractère personnel ne porte pas atteinte
à la vie privée des citoyens et promeuvent au niveau national et
international une participation
responsable à la société de l’information.
Les acteurs de la société de l'information
prennent les mesures appropriées, notamment préventives, pour empêcher les
utilisations abusives des technologies de l’information et de la communication[14].
Voilà
pourquoi, en dehors de l’État, les personnes privées[15]
doivent mettre les pieds à l’étrier.
Cependant,
du fait qu’il n’y a pas, dans l’espace humaine, un seul être sage à toute heure
et exempt de toute espèce de folie, il convient d’associer à la sensibilisation,
la répression du phénomène.
B- La répression du phénomène.
Cette
répression doit passer par la création, par l’État, d’un organe spécialisé (1) et
l’étouffement judiciaire du phénomène (2).
1- La création d’un organe compétent.
Il
convient de créer un organe dépourvu certes d’une compétence juridictionnelle
mais dotée de celle administrative. Cet organe doit être placé sous l’Autorité
de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP). Ledit
organe aura pour fonction entre autres de relever les manquements qu’il constate
à l’égard des exploitants de réseaux sociaux et particulièrement à l’égard des
gestionnaires d’infrastructures de fora[16] .
Cet organe peut, sous autorisation de la justice, demander la suspension d’une
carte SIM et même demander, toujours avec l’autorisation de la justice, le
retrait pur et simple du numéro d’une carte SIM à son utilisateur.
2- L’étouffement judiciaire du phénomène.
Conformément
à son rôle de garant des libertés individuelles et des droits fondamentaux des
citoyens[17],
la justice a un rôle fondamental quant à l’endiguement de l’exposition des personnes
sinistrées sur les réseaux.
Elle
doit être outillée afin de faire face pour trancher dans de brefs délais les
litiges relatifs à ce phénomène qu’elle soit saisie par les citoyens victimes (ou
leurs ayant-droits) ou l’organe administratif que nous avions suggéré.
©Abel
KLUSSEY, juriste
http://www.linkedin.com/in/abel-eklou-klussey
[1]
La société de l’information est
une société dans laquelle les individus utilisent l’information de manière
intensive. Elle est caractérisée par la place centrale qu’y occupent
l’innovation et les technologies de l’information et de la communication. Elle
conduit au développement d’une société numérique. En cela, elle constitue une
source importante de transformation sociale, culturelle, économique, politique
et institutionnelle.
[2] Les
administrateurs de Whatsapp, Facebook,….
[3] Article
392 al 2 du nouveau code pénal
[4] Passage
de la vie à la mort
[5] Art
355-2 du nouveau code pénal
[6] Art 393
du nouveau code pénal
[7] Art
394-1 du nouveau code pénal
[8] Henri
BERGSON, les deux sources de la morale et de la religion
[9] Loi
d’Orientation sur la Société de l’Information au Togo votée par les députés le
13 juin 2017
[10] Voir
l’article 10 de la loi d’orientation précitée
[11] Idem
[12] Voir
l’article 11 de la LOSITO
[13] Idem
[14] Voir
l’art 9 de la LOSITO
[15] L’existence
de mécènes sera un grand atout
[16] Au
Togo, tous les numéros de SIM sont normalement enregistrés. Ce qui peut rendre
facile l’identification de l’auteur d’un forfait et/ou de ses complices.
[17] Voir l’art
113 de la constitution togolaise de 1992
cherche à contacter Abel svp
RépondreSupprimerIl répondra au 91 82 88 22. Merci
Supprimercherche à contacter Abel. Urgent. Mon contact 90 38 36 16
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